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Peut-on réussir la Born To Ride sans passer le bac ?

Peut-on réussir la BTR sans passer le bac ? C’est une question qui est doublement d’actualité. Elle aurait pu être récemment un bon sujet d’examen pour les étudiants devant la page blanche de l’épreuve de philo du bac. Elle a surtout été la preuve que c’était possible, par la volonté de Stéphanie et David, qui ont dû attendre 5 jours pour avoir la réponse à cette question.

Pour les non-initiés – il deviennent de plus en plus rares dans le monde cycliste – la BTR signifie « Born to Ride » … Alors, si nous ne sommes pas tous nés pour rouler aussi longtemps, on commence, depuis 3 éditions à savoir où Luc Royer (le génial inventeur de la formule) veut envoyer les participants de cette épreuve de longue distance à vélo. Cette fois la BTR prenait la direction de nos côtes occidentales : « Pleins phares » … Une balade de 1200 kilomètres à accomplir en moins de 110 heures.

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Le profil cycliste des participants à cette BTR est très différents. Il y a les « gros rouleurs » comme Paul, Didier et Thomas qui vont atteindre l’arrivée, comme des avions de chasse en 2 jours et 3 nuits, ne dormant pratiquement pas. Pas loin derrière eux il y a des cyclistes confirmés qui préparent aussi la TCR (Trans Continental Race) et qui profitent de cette BTR pour peaufiner leur entraînement et la mise au point de leur matériel. Et puis, il y a les autres et ceux comme Stéphanie et David dont le seul objectif sera de finir en profitant au maximum des paysages, en dormant de courtes nuits et en décidant de ne pas emprunter les nombreux bacs côtiers qui pourraient raccourcir le périple. Après tout, chacun peut choisir son aventure dans un scénario très libre, un peu à la Lelouch, écrit par le metteur en scène Luc Royer.

Rouler à deux …

Stéphanie et David roulent à deux dans la vie comme sur le vélo.

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Stéphanie et David les auteurs de ce récit

« La Born To Ride est entrée dans nos vies au hasard d’un partage sur facebook et/ou d’un article dans 200, difficile de s’en souvenir précisément. Rodés à quelques traversées hexagonales ces dernières années dans des conditions tendant vers le “light”, la BTR devenait au fil du temps et de nos sorties vélo un challenge qui semblait être à notre portée. Difficile tout de même d’évaluer le niveau nécessaire pour affronter les 1200 km en 4,5 jours. Le Rapha Festive 500 organisé à point nommé fin 2017 avant la validation des inscriptions nous aura permis de nous rassurer un peu : 500 km réalisés majoritairement de nuit, sous la pluie et le vent … prémonitoire ?», explique David.

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« J’avais raté l’inscription à l’édition 2017. Tant mieux, au fond, je n’étais pas prête. Je n’avais pas le vélo non plus… Mais depuis, grâce à ma nouvelle monture, les 4000 km avalés cette année, et l’expérience de quelques trips et de quelques 200, même si l’esprit pionnier m’échappe toujours un peu, je sens que l’aventure va être belle. Surtout partagée avec la Flèche (David)», précise Stéphanie.

Récit et photos de Stéphanie et David …Ils nous donnent chacun leur vision de l’aventure : parole à eux …

Arrivés sur site l’avant-veille du départ pour cause de grèves, nous en profitons pour découvrir la région : mer, mouettes, cidre et galettes. Nous nous déplaçons à vélo, sans forcer sur les pédales afin de nous préserver les jambes. Mais même sans effort, Stéphanie sent du jeu dans son boitier de pédalier … Pourtant nous venions de le démonter pour le regraisser en préparation de la BTR. Un nouveau démontage s’impose, et après avoir trouvé la clef BTR de 1.5 mm, dans une petite boutique du centre de Paimpol pour un gros budget de 50 centimes, le problème sera réglé.

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Pique-nique face à la mer à l’Arcouest …

David : Le jour J, pique-nique face à la mer à l’Arcouest où le départ est prévu à 22h, avant de rejoindre le camping tout proche pour l’enregistrement, une bonne sieste au soleil et le dîner de groupe : galettes au menu bien évidemment !

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Briefing de départ, focus sur le plaisir et la sécurité avant le désormais mythique « Bon voyage ! »

Stéphanie : 1er jour, 21 h 15. Il est beau Luc avec sa veste blanche. Armé de son haut parleur playmobil, il nous rappelle les règles de la Born To Ride. Il nous invite à la vigilance, à la prudence et surtout à profiter de chaque instant. Et de conclure, en s’adressant tout particulièrement à ceux qui se réjouissent de l’absence de cols et qui oublient que le vent peut être bon compagnon et la Bretagne joliment vallonée “Bon voyaaaaaage !

Bon voyage !

David – Enfin le départ ! Après 1 km, nous quittons la départementale comme 10% du peloton de gilets fluos pour bifurquer à droite sur une petite route de campagne. Notre itinéraire vers Donostia est tout tracé : nous avons choisi d’éviter au maximum les grands axes pour limiter les risques d’accident et de planifier finement le trajet pour nous concentrer sur la route, rouler et profiter.
Autre point clef de notre stratégie, le sommeil : à moins de rouler très vite, il est impossible d’arriver à destination dans le délai imparti sans sacrifier de longues heures de récupération. Une amélioration sensible de notre vitesse moyenne étant hors de notre portée, nous avons donc raccourci les nuits au maximum, mais en essayant de ne pas trop troubler notre rythme biologique. Après 2 h de route “seulement”, nous nous arrêtons pour une – courte – nuit.

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Départ de la 1ère vague, de notre vague, avec un quart d’heure d’avance

Stéphanie – 1er jour, 21h45. Départ de la 1ère vague – notre vague – avec un quart d’heure d’avance. Le soleil couchant est magnifique. Nous avons choisi de rouler sur petites routes uniquement. À 500 m, juste après la 1ère montée, nous tournons donc à droite et quittons donc le peloton. Quelques BTRistes devant roulent à vive allure. Nous les laissons filer. Sur les 40 km nous séparant de notre point dodo, nous en croiserons quelques-uns. L’un nous doublera à fond’balle, en nous saluant. Sans doute aura-t-il coché sa 1ère croix quand nous reprendrons la route le lendemain à 4 heures.

En route vers le CP1

David – Samedi 3h20. Le réveil sonne. Nous remballons les affaires ; avec un cerveau encore en mode sommeil et le manque d’habitude pour ranger les choses à leur place les gestes ne sont pas précis. Petit déjeuner rapide, je me force à manger plus que ce que dicte mon appétit vu le programme de la journée. Départ à peu ou prou 4h, comme prévu. La région est vallonée, les petites routes de notre itinéraire ne sont pas éclairées et sans bandes blanches la visibilité sous cette nuit encore noire est limitée : la vitesse moyenne s’en fait sentir.

Même si en ces contrées occidentales le soleil se lève 30mn plus tard que dans ch’nord, sa douce lumière apparaît peu à peu. Soudain, entre chien et loup, apparaît au loin l’éclairage arrière d’un rider au gilet fluo ! Nous qui pensions que le groupe avait roulé toute la nuit, ça rassure un peu de constater que nous ne sommes pas les seuls à avoir choisi de dormir malgré tout. Voyant que l’éclairage rouge se rapproche petit à petit, j’appuie un peu plus sur les pédales pour essayer de le raccrocher et de procéder aux salutations du matin. C’est sans compter sur Stéphanie, qui s’était éloignée dans mon rétro et qui finit par égosiller un “À gauche !” voyant que je filais tout droit vers mon étoile rouge sans me préoccuper des indications du GPS …

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Regarde, le jour se lèèèève ♪♫♬

Le jour s’installe enfin, ce qui permet de rouler plus confortablement. Les kilomètres s’enchaînent, jusqu’à une première boulangerie ouverte qui s’impose sur le trajet (Landerneau, après 84km) et où nous attendent deux ZBTRistes avec qui nous échangeons quelques mots. Plein de gras et de sucre en mode paddock, nous repartons rapidement.

Arrivés dans l’agglomération de Brest peu après, nous croisons un premier rider puis très vite quelques autres … en sens inverse !? Nous comprenons qu’ils ont déjà fait l’aller et le retour entre Brest et le CheckPoint 1, ce qu’il signifie qu’ils ont ~70 km d’avance sur nous. Petit moment de doute quant à notre stratégie, mais restons zen, nous sommes dans les temps et tout se passe bien.

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Nous nous forçons à prendre une photo souvenir sous le phare malgré les conditions météo

Mais le ciel se couvre et quelques coups de pédales plus tard, devient menaçant. La pluie s’installe, pas le petit crachin mais bien la grosse drache comme on dit chez nous. Elle ne nous quittera pas avant plusieurs heures, et nous arrivons au CP1 sous une pluie battante. Luc, bien au sec dans sa camionnette nous fait signe d’aller jusqu’au 2ème camion où est installée la logistique. Tamponnage de carte, puis nous nous forçons à prendre une photo souvenir sous le phare malgré les conditions météo. En repassant devant Luc, il nous lâche un “Allez, on lâche rien !”. Encouragement sympa et plein de bonnes intentions mais qui nous fait un effet mitigé au moral.

Paye ton Armorique

Avec son “Bon voyage !” Luc nous avait prévenu et promis quelques surprises verticales. Après avoir remonté le tracé jusque Brest, il est en effet temps de s’attaquer au massif armoricain, “une des parties visibles d’une ancienne chaîne de montagnes” d’après Wikipédia.

Et en effet, le reste de la journée est rythmé par l’enchaînement de montagnes russes, avec une mention spéciale pour la traversée Pont-de-Buis-lès-Quimerch, village encaissé dans une vallée quasi alpine aux pentes raidasses ! Heureusement, la météo s’améliore et nous profitons de très belles éclaircies, ce qui permet de bien sécher les vêtements de pluie. Les jambes suivent bien malgré tout, nos quelques sorties longues dans les monts et ardennes flamandes ont payé même si les ascensions n’y sont jamais aussi longues. Nous doublons tranquillement quelques riders dans des côtes aux pentes raisonnables mais très longues, gros clin d’oeil à Frédéric IV Ricol et son Pashley qui auront bien délecté les participants avec leur esprit vintage incroyable !

Le dénivelé impacte notre vitesse moyenne, nous arrivons à Hennebont un peu en retard, après 303,5km de route sur la journée. Super accueil à l’Ibis Budget où la BTR est connue pour avoir vu passer en journée certains riders du peloton de tête qui y ont piqué un petit somme. Repas rapide juste à côté avant d’écraser l’oreiller.
Stéphanie – 2ème jour. La nuit est noire. Plusieurs éclairs. L’orage nous tourne autour. Finalement nous l’éviterons. Pas la pluie. Nous enfilons les hardshells, nous les retirons, nous perdons du temps. À Brest, nous croisons bon nombre de BTRistes qui filent déjà vers le CP2. Nous avons fait le choix de dormir, d’où le retard. Nous continuons donc sereinement. A 5 bornes du phare, grosse drache. Complètement trempés nous prenons à peine le temps d’immortaliser l’instant. Luc : « Ne lâchez rien !! » La confirmation que nous sommes bien en queue de peloton et que nous devons avoir une bien sale gueule.
Mais nous avons dormi, les jambes tournent bien et malgré la pluie qui nous ralentit, le moral est bon (surtout après le plein de sushis, choux à la chantilly et M&M’s). La pluie nous accompagnera encore deux heures après Brest, nous ralentissant dans les descentes. Nous nous traînons. Enfin, nous pouvons remballer la panoplie Norrona. Nous rattrapons quelques vaillants BTRistes qui roulent encore malgré une nuit blanche. Nos chemins se sépareront encore une fois. Nous enchainerons montées et descentes jusque 20h30, pour rejoindre Hennebont. Le temps de se remplir le bidon et d’envoyer quelques sms et nous nous écroulons.

Réussir sans le bac

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Le plaisir des petites routes

David – C’est reparti pour une journée de 280 km ! Réveil à 2 h 30 après une courte nuit, les préparatifs deviennent plus fluides et nous partons 30 minutes plus tard, pile à l’heure prévue. Cap sur Vannes pour contourner le golfe du Morbihan, car nous avons pris le parti stratégique de ne prendre aucun bac : pour avoir le plaisir d’enchaîner le trajet uniquement à la force de nos mollets, mais aussi pour éviter toute attente vu les horaires des navettes. Vu notre vitesse de croisière et notre volonté de dormir au plus noir de la nuit où il est plus difficile de rouler, il était en effet difficile d’optimiser le timing.

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Photo souvenir au phare avant de repartir : 2ème phare validé !

Arrivée au CP2 vers 7 h 30, on discute avec la team sur place en tamponnant la carte puis photo souvenir au phare avant de repartir pour s’arrêter peu après à une boulangerie où nous prenons un bon petit déj avec 3 ou 4 autres riders. Nous roulons un peu avec l’un d’entre eux avant de quitter sa – grand – route pour bifurquer vers notre tracé moins roulant mais ô combien plus tranquille, as usual.

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Passage tranquille en file indienne

Seule “exception” à notre règle anti-traversées, le franchissement de la Loire via l’impressionnant pont de Saint-Nazaire, que nous effectuerons un peu plus tard dans la journée, en file indienne avec 3 autres riders. Ce qui était une source de stress pour Stéphanie s’est finalement transformé en très beau souvenir, en grande partie grâce à des conditions météo favorables (très peu de vent, temps couvert mais vue dégagée).

Comme souvent sur le trajet, nous pouvons rouler plusieurs heures sans croiser personne. Que ce soient des automobilistes, des promeneurs ou toute autre âme qui vive. Comme souvent sur le trajet, nous croisons de temps en temps d’autres riders, rarement très longtemps car il nous semble que la majorité préfère choisir des routes plus directes. Le sourire aux lèvres, nous re-croisons parfois des riders plusieurs kilomètres après les avoir quittés à une intersection, eux roulant sur des gros axes, nous ayant suivi une portion de trajet sur petites routes plus optimisée.

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Le parcours plus roulant de cette journée nous permet d’arriver à l’heure prévue à La Roche-sur-Yon, pour dévorer une pizza à emporter et profiter d’une courte mais bonne nuit.

Stéphanie 3ème jour. 3 heures du matin. À Lille le jour est pleinement levé à 5h00. Dans le grand Ouest, il fait la grasse mat’. À 5 h 30 il est à peine levé. Nos éclairages avant et arrière n’ont qu’une autonomie de 3 h 00. Nous les avons doublés mais à 6 h 00, durant la traversée de Vannes, il nous faut donc les remplacer. S’en suit de la piste cyclable. J’accuse un peu le coup, et prend conscience que oui, il est possible de s’endormir au guidon. La caféine fait le job, je garde les yeux ouverts, et nous rallions le CP2 sans encombres. Nous sommes en avance sur les BTRistes qui ont choisi d’embarquer sur le 1er bac du jour. Nous savons que notre stratégie, celle de ne prendre aucun bac ne nous permettra de conserver cette avance, mais nous savoir dans les temps nous pousse.
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Encore une fois nous faisons le choix des pistes vertes

Direction Saint-Nazaire. Encore une fois nous faisons le choix des pistes vertes goudronnées. Cela nous empêchera pas de manquer de nous faire faucher sur une départementale, sur la bande cyclable, par un lobotomisé qui ne prend pas la peine de tourner le volant en plein virage. J’entends encore les pneus sur la bande séparatrice… Moulinet de bras pour traiter cet imbécile, c’est parfaitement inutile, mais ça a le mérite de faire circuler le sang dans les bras. Saint-Nazaire. La traversée du pont est fabuleuse. Quelle architecture ! S’en suivront ensuite des petites routes, sur lesquelles nous filerons le vent dans le dos, sans manquer de jouer avec l’orage et de gagner. A 20 km de La Roche-sur-Yon, au bout d’une superbe route habillée d’arbres immenses, l’apparition : Magali avec son boîtier. Instant inattendu, instant magique. Nous finirons la journée par 10 bornes de voie vertes, parfait pour reposer l’esprit. A l’hôtel, je démonte ma caméra qui s’obstine à ne plus shooter. Les nappes sont bien branchées, j’en conclue que c’est l’objectif qui a un coup dans l’aile. Je peste. En m’attendant « La Flèche » se charge de sécher au sèche cheveux nos fringues lavées à la main avant la pizza. Dodo à 22 h, dans des lits séparés pour mieux dormir. La journée a été belle, nous nous réjouissons d’être encore en forme.

Et ça, c’est gravel ?

David Les jours se suivent et se ressemblent, départ à 3 h pour filer sur le CP3 au phare du Groin du Cou. Dans une petite côte nécessitant un changement de plateau, Stéphanie s’arrête net ! Sa chaîne est bloquée au niveau du dérailleur avant, à cause d’une dent qui s’est complètement tordue … Petit aparté : Stéphanie avait cassé une dent de son grand plateau fin mai lors du Lille-Hardelot (rando mythique des Hauts de France), mais ne s’en était aperçue que la veille du départ pour la BTR. Trop tard pour remplacer le plateau et la transmission. Sur conseils de son vélociste “d’astreinte”, la BTR s’effectuera avec une transmission déjà bien entamée. Décision est prise d’éviter d’empirer la situation, le reste du parcours se fera sur petit plateau.
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CP3 validé
Nous arrivons au CP3 en moulinant, à 5 h 20. L’équipe dort à poings fermés, le tampon laissé à disposition nous permet de valider notre carte et de repartir illico.
Rapidement, nous découvrons le marais poitevin, plat mais pauvre en macadam. Un chemin de terre (single, gravel si vous préférez) prévu sur notre trajet est bel et bien l’unique solution pour avancer dans la bonne direction.
D’autres riders nous précédent, nous les suivons un temps avant de les laisser filer au bénéfice d’une pause sucre/gras. Peu après, le chemin s’élargit mais la pluie s’invite. Nous nous arrêtons à nouveau pour sortir les vêtements de pluie : l’expérience des jours précédents nous a montré que la drache peut s’installer pour des heures et qu’il vaut mieux dégainer la Gore Tex dès les premières gouttes en cas de ciel menaçant, pour espérer rester secs. Au redémarrage, une sangle mal clippée de la sacoche de Stéphanie se prend dans ses rayons, le clip éclate … elle doit sortir une sangle en rab’ pour maintenir la sacoche. Rien de bien grave mais la fatigue cumulée, le problème de plateau et maintenant cette sangle HS minent son moral. Je la remotive un petit coup et le train repart.
Au loin les BTRistes quittent le sentier pour bifurquer sur une grande route, qui semble très fréquentée vu le trafic instantané. Nous continuons tout droit sur une piste en moins bon état, mais praticable avec nos vélos à l’aise sur ces terrains. La pluie redouble d’intensité, nous sommes trempés. La piste est une longue ligne droite dont nous ne voyons pas le bout, impossible de rouler à plus de 10 km/h vu les conditions. Cette fois c’est mon moral qui en prend un coup, 5h30 de vélo se sont déjà écoulés et j’ai l’impression que nous n’avons pas avancé, que la journée est foutue. Il me faut une bonne grosse prise de recul pour considérer qu’il n’est que 8h30, que ce chemin va bien se terminer un jour et que tout n’est pas perdu.
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Mais d’où vient toute cette eau ?
Nous roulons encore de longs kilomètres avant de trouver un village où une pause trop grasse, trop salée et trop sucrée nous recharge un peu les batteries. Plus arrive une route en meilleur état, et enfin la pluie diminue d’intensité. Nous séchons un peu avant de croiser un cimetière où nous utilisons le robinet à disposition pour remplir les gourdes mais surtout décrasser les vélos. C’est reparti !
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Cimetières : le bon plan ravitaillement

Le reste de la journée s’enchaîne bien mieux sur une route calme et des conditions météo beaucoup plus clémentes. Notre GPS fait tout de même des siennes (plusieurs versions du tracé en concurrence sur nos deux téléphones), ce qui nous vaut une bonne engueulade avant de repartir vers Bordeaux, où nous arrivons après 296km au compteur … et plusieurs rencontres de chauffards qui auraient bien pu écourter notre aventure.

Stéphanie 4ème jour. 3h du matin. J’envoie le Beacon quotidien à nos supporters avant d’enfourcher la monture. 40km seulement nous séparent du CP3. Au km 10, lors du passage sur le petit plateau, blocage de chaîne. Le vélo stoppe net. Par réflexe je redonne un coup, reblocage. J’hurle : “ Daviiiiiiiiiid, stoooooooooop ! Blocage de chaîne ! Stooooooooop “. La Flèche fait demi-tour, et m’éclaire. En 10 secondes, je vois la dent complètement tordue, sur le grand plateau. ##@@@****#@@%%#!!! Rien à faire dans l’immédiat, nous remontons donc en selle en espérant que la chaîne n’en a pas pris un coup et je me condamne à la moulinette sur le petit plateau. En roulant ça cogite sévère. La Flèche suggère d’essayer de redresser la dent, avec des outils au CP3, ou chez un garagiste. Pas d’outils au CP3, il fait encore nuit, nous tamponnons et reprenons la route, en nous trainant. Je peste. Mais quelle con d’être partie avec ce plateau. Au petit jour, la pluie commence à tomber sévère (j’en profite pour mal ranger la sangle de serrage du harnais de mon guidon, qui s’auto détruira dans les rayons en explosant boucle et coutures… ). Nous la subirons sur 70 km, et nous réjouissons des pistes cyclables certes non goudronnées mais qui nous évitent de rouler sans visibilité en compagnie des copains les camions.
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La Flèche m’informe des derniers messages de Luc publiés sur Facebook. Accident en Vendée. Nous y sommes justement et nous ne pourrons que constater que les mecs y roulent comme des cons. Pas un seul moment nous nous sentons en sécurité. Chaque dépassement est à moins d’un mètre, et au minimum à 90 km/h. Je mouline des bras, je note les plaques. Et ce vélo qui n’avance pas pour nous permettre de rejoindre au plus vite la plaine dépourvue de circulation qui nous mènera à Bordeaux… Après 13h nous ne croisons plus aucun BTRiste. Tous semblent avoir fait le choix du bac à Royan.
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Charal !

Pas de pluie l’après-midi. Nous traversons les vignobles, les pâtures, nous croisons des vaches, des cigognes qui ont désormais la flemme de rejoindre l’Alsace et se posent en Aquitaine. La route est sans circulation et paisible jusqu’à 20 bornes de Bordeaux. À l’approche de la ville portuaire, c’est devenu une banalité, nous manquerons une dernière fois de nous faire renverser. Je jure de ne jamais revenir en Vendée et à Bordeaux à vélo. La journée a été un peu pénible, vive la fondue, vive l’arrivée demain soir ! Les mains commencent à être gagnées par les fourmillements, je me réjouis que ce soit si tardif.

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Petit domaine viticole

The last but not the least

David Stéphanie se lève en sursaut à 3 h 20. Les réveils ont sonné à 2 h 30 comme prévu, mais ni elle ni moi ne les avons entendus ! Énervés, on prend la route pensant faire une croix sur la validation du CP4 au Cap Ferret, où nous avions prévu d’arriver juste avant la fermeture. Mais les dieux de la météo sont pour une fois avec nous, un petit vent favorable nous pousse un peu. Puis nous attaquons les longues lignes droites et plates des Landes. Stéphanie, toujours sur le 34 dents, se met à mouliner un peu plus vite et son esprit mathématique s’active.
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À fond sur la piste autour du bassin d’Arcachon

Si nous roulons vite, il pourrait être encore possible d’arriver à temps ! Ni une ni deux, le mode patate s’active et nous traçons pendant trois heures, bravant la pluie battante et les bourrasques qui finissent par nous heurter mais nous ralentissent à peine. Quelques kilomètres avant le CP nous doublons plusieurs riders et arrivons peu avant eux au phare, quelques minutes avant la fermeture.

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Puisqu’on vous dit qu’il a plu …
Le prochain bac part à 9h30, mais comme la météo s’est améliorée nous décidons de suivre notre plan “sans bacs” et de faire sécher nos vêtements au vent plutôt que de rester statiques et de risquer de refroidir nos muscles d’athlètes du dimanche.
De retour dans la forêt landaise, nous subissons plusieurs sections de routes très fréquentées et sans piste cyclable, ainsi que des changements de revêtement macadam-chemin de boue qui n’étaient ni prévus au programme ni visibles sur google streetview. Nous décidons de dévier un peu de notre chemin et suivre des routes à bandes cyclables pour enfin rejoindre la piste qui traverse la forêt le long de la mer. Quasiment 100 km sur une piste parfaite, dans une superbe forêt, sous le soleil et sans quasiment croiser personne : top !
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Que du plaisir dans la forêt landaise
Mais cette éclaircie est de courte durée. Sur le groupe Facebook on nous a prévenus dans la journée que la tempête née la veille est toujours active, nous avançons en espérant qu’elle se calme. Au contraire, plus l’Espagne se rapproche plus la tempête se fait sentir : vent violent, rafales, pluie intense. Les conditions sont réellement dantesques ! Nous sommes trempés, avançons difficilement mais avançons malgré tout. Plus tôt, j’ai demandé à Stéphanie si elle se sentait capable d’aller jusqu’au bout. Elle me dit oui sans hésiter et, comme moi, ne se voit pas s’arrêter et repartir pour une nouvelle journée.
Sous une pluie intense, Stéphanie s’arrête : crevaison à la roue arrière. Nous réparons rapidement en changeant la chambre et en regonflant avec une cartouche de gaz. A Bayonne, nous nous arrêtons entre deux bâtiments le long de la plage car il commence à faire froid sous ces conditions. Suffisamment abrités nous pouvons passer une doudoune sous la veste étanche et manger un morceau avant de repartir. Deux-cent mètres plus loin, Stéphanie s’arrête à nouveau, cette fois c’est sa roue avant qui est à plat. Nous nous mettons à l’abri du vent et de la pluie pour réparer, avec notre dernière chambre à air.
Les 60 derniers kilomètres se font en pleine tempête, par endroits nous devons mettre le pied à terre tellement le vent est fort ou tellement la pente est raide (et oui nous sommes toujours sur nos petites routes, mais cette fois ce sont de petites routes de montagne !). A 20 kilomètres de l’arrivée, cette fois c’est moi qui crève de la roue arrière. Plus de chambre à air, réparation obligatoire à la rustine sous des trombes d’eau et en plein vent. Nous finissons par y arriver et nous remettons en route. Kilomètre par kilomètre, nous approchons du but et finissons par arriver sur la plage. Le vent est tellement fort qu’il manque de m’emporter sur une barrière, nous rebroussons un peu chemin pour longer la mer sur une route parallèle avant d’y revenir une fois la zone moins exposée au vent. Au loin, la camionnette Chilkoot et l’accueil à bras ouverts de Yann marquent la fin de cette grande aventure.
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Les lumières de la ville
370km et plus de 24 heures sur le vélo pour cette dernière étape …
Stéphanie 5ème jour. 3 h 20. Le réveil sonne depuis 2 h 30. Nous l’avons manqué. Il nous faut rouler 84 bornes jusqu’au CP4, qui ferme à 8h. Nous enfourchons les montures à 4 h. Nous traversons Bordeaux, sous la pluie. Pendant plus d’une heure nous roulons sur des pistes cyclables coupées de stops et jonchées de grenouilles. On se traîne à 17 km/h. C’est mort pour le CP4…. nous quittons la piste cyclable pour la départementale. La pluie redouble. Mais le vent est favorable. Je roule devant, avec le gps. Je monte à 27 km/h. Je tourne les jambes le plus vite possible. 27, 28, 29 km/h même, quand la pente est bonne. Il est 5 h 30, il reste 60 bornes. Je crois me souvenir que la route est roulante quasiment jusqu’au Cap Ferret. J’ignore si le vent va tourner mais je commence à y croire. Je crie à la Flèche que c’est encore possible. Tous les 3 km, je lui indique la distance restante et je recalcule. Tourner les jambes, tourner les jambes. J’ai l’impression d’avoir un moteur de F1 dans les cuisses et d’être bridée. Putain de plateau….45 km ! 42 km ! Tourner les jambes, tourner les jambes. On déboule au Cap Ferret sous des trombes d’eau. Tourner les jambes, ne pas descendre à moins de 25 km/h. 3km, 2 km,… arrivée au CP4 à 7 h 50 ! J’ai cru que c’était le combat de ma vie. C’était sans compter ce qui nous attendait le soir …
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Pas par ici …
Feuille de route tamponnée, nous reprenons immédiatement la route pour profiter de l’accalmie et sécher. Toute la matinée et l’après-midi nous roulerons quasiment que sur pistes cyclables. Nous nous économisons pour les 50 derniers km en zone urbaine et profitons de la superbe traversée des Landes dans les pins. Magnifique ! Plus que 100 bornes. La pluie recommence à tomber. Le vent se lève, il souffle dans tous les sens. Les copains balancent sms sur sms pour nous encourager. Impossible de les lire mais l’affichage de 3 secondes sur l’écran fait bien du bien ! À Cap Breton ça commence à souffler sévère. Crevaison, la 1ère du périple. Nous continuons, en sécurité sur les pistes cyclables. À Bayonne, deuxième crevaison. Trempés. Il fait froid. Nous profitons de l’arrêt forcé pour enfiler les doudounes. Il reste 60 bornes. C’est un peu l’enfer mais nous faisons le choix de continuer, nos montures tiennent parfaitement le vent et l’absence de circulation en pleine nuit nous autorise à des écarts sans craindre de nous faire renverser par un véhicule. Le vent est fou, ça souffle de partout, nous roulons à 10 km/h. Chaque kilomètre est une victoire. La route pour rejoindre Hendaye est un enfer. Le vélo tangue, subit parfois des écarts brusques de plus d’un mètre. Sur 200 mètres je finirais par marcher. À 20 km, nouvelle crevaison. La Flèche s’énerve avant de reprendre rapidement ses esprits. Il répare miraculeusement, toujours sous la pluie. Saint Sébastien. Arrivée sur la plage. Énorme rafale qui manque de nous faire tomber de peu. Pouahhhhh !! 4 h 20. La voiture Chilkoot est en vue. Yann nous accueille chaleureusement. Que c’est bon …
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Enfin l’arrivée ! Photo souvenir !
Merci à tous et à Luc en particulier pour cette aventure hors du temps !
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L’arrivée radieuse des forçats de la route
Merci à Stéphanie et David (alias La Flèche) pour ce beau récit qui rend cette BTR sympathique et humaine. Réalisée dans l’esprit pionnier sur des routes volontairement choisies pour le côté pittoresque sortant des axes fréquentés et en contournant les bassins et les golfes.
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Rédaction Bike Café
Rédaction Bike Caféhttps://bike-cafe.fr
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