En France, nous sommes plutôt veinards car nous avons sur notre territoire une belle brochette de cols superbes, que l’on peut grimper sans modération. Certains cyclistes en abusent, comme notre ami Lionel Tartelin (alias Ventouman) qui a dépassé cette année les 500 montées du Géant de Provence. Méfiez-vous quand même car toutes ces cîmes ne sont pas des cols. Si on veut jouer sur la signification des mots, le Ventoux n’est pas un col mais un sommet. Sur les pentes du Ventoux, c’est le col des Tempêtes à 1829 m qui serait le vrai col. Pareil pour l’Alpe d’Huez, c’est une montée et pas un col. Cette définition, de col ou pas col n’est pas essentielle pour qui pédale dans la pente. Pour être précis, il faut savoir qu’un col est une structure en forme de « selle de cheval », formée en montagne par l’intersection d’une ligne de crête et de deux talwegs situés de part et d’autre, c’est-à-dire : le point le plus bas entre deux sommets appartenant à la même arête et le point de passage sur la ligne de crête le moins haut entre deux versants de montagne (source wikipédia).
Cet exercice, qui consiste ainsi à jouer aux sautes montagnes, débute principalement au printemps pour les cols les plus hauts. Ces ascensions sont de plus en plus prisées par les cyclistes. Les professionnels du tourisme ont compris cette opportunité, et ils favorisent ces montées de cols en développant des journées “cols réservés” au vélo. Il est vrai que la cohabitation auto / moto / vélo n’est pas toujours très agréable sur les pentes.
L’homme a toujours aimé vaincre les sommets. Les cyclistes ne sont pas en reste et certains ont forgé des légendes sur des cols dont tout le monde, cycliste ou pas, connaît le nom. On se souvient de nos forçats de la route qui s’attaquaient, dans les années 1900, aux cols qui n’étaient pas asphaltés à l’époque. Ces mêmes cols, constituent aujourd’hui le décor de la dramaturgie du Tour de France, qui réunit en juillet des millions de téléspectateurs, admiratifs des exploits de leurs champions.
À chacun sa performance
Peu importe la vitesse d’ascension, l’essentiel est pour ces amateurs de grimpette d’arriver en haut. Le scénario est toujours le même, courbé sur le vélo, relançant parfois en danseuse par un coup de rein de moins en moins nerveux, le but du grimpeur de col est d’arriver au sommet. La photo devant le panneau marquant le sommet du col est indispensable. Elle fera le tour des réseaux sociaux pour témoigner de l’exploit. On enfile en haut le coupe-vent et ensuite on plonge dans la grisante descente, qui n’est pas toujours une récompense car il faut être attentif, les mains sur les freins. Prudence dans les lacets, attention de ne pas couper les virages surtout lorsque motos et voitures en font parfois de même face à vous.
La Bonette-Restefond
L’Office du Tourisme de la vallée de l’Ubaye distribue un petit document “Ubaye Vélo” dans lequel, photos à l’appui, on trouve la description du Brevet des 7 cols : Cayolle, Allos, Montée de Sainte-Anne, Vars, Pontis, Saint-Jean et le fameux Bonette-Restefond qualifié sur le dépliant de route la plus haute d’Europe avec ses 2802 mètres. Cette affirmation est très contestée par d’autres sommets qui aimeraient revendiquer ce qualificatif : l’Iseran et ses 2764 m, le col Agnel 2744 m et le Stelvio en Italie avec ses 2757 m. En ce qui concerne l’Europe ils seraient tous mis d’accord par le fameux Pico Velata en Espagne avec ses 3367 mètres d’altitude mais celui ci, comme le Ventoux, n’est pas un col mais un sommet.
Ne jouons pas sur les mots, oublions cette querelle d’altitude pour revenir à notre col de la Bonette, auquel il convient d’accoler Restefond, avec lequel il est marié pour la vie pour continuer à revendiquer ses 2802m. En effet, cette altitude, qui est au moins un record français, ne s’obtient que si on grimpe la partie finale sur une route qui fait une boucle autour de la cime de la Bonette.
Le cols de la Bonette-Restefond est moins populaire que le Ventoux ou que la montée de l’Alpe d’Huez mais il a, du fait de son statut de hauteur, ses aficionados qui chaque année montent ses pentes dès son ouverture. Avec ses 24 km d’ascension et ses 1600 m de D+ il constitue un sérieux challenge avec des pourcentages oscillant entre 7 et 9%. La dernière rampe supérieure à 10% nécessitera de garder un peu de force pendant la montée pour se hisser sur le final où il faudra également gérer l’altitude.
Ça commence à Jausiers …
Dans la montée un panneau annonce “Col ouvert” … Il se s’agit pas d’une injonction pour ouvrir celui de votre maillot, mais bien de grimper ce long lacet de 24 km de bitume qui s’ouvre devant vous. La limitation 50 km/h affichée sur le panneau lumineux, marquant le début du col à la sortie de Jausiers, est une boutade pour les cyclistes. Elle sera largement bafouée par les nombreux motards parfois inconscients qui vont se lancer à fond dans les lacets. Gare aux mauvaises rencontres dans les lacets.
La montée est agréable la pente est progressive et régulièrement indiquée par des bornes jalonnant le parcours. Quelques cassures vont apporter un peu de difficultés à la montée et pour ma part le 34 dents sera nécessaire pour les avaler assis sur la selle sans puiser dans mes réserves.
En montant arrivé vers 2000 m, on repère le restaurant d’altitude la Halte 2000 où on redescendra toute à l’heure pour déjeuner. On a presque envie d’y faire une pause maintenant, mais ce n’est pas le moment de fléchir il y a encore 800 m à grimper.
Le paysage change au fur et à mesure. Le spectacle est grandiose et j’admire le courage d’un couple, qui grimpe devant nous, chargés comme des mulets sur leurs vélos de voyage. Ils transportent leur maison, on est loin du bikepacking light des furieux de la Born to Ride et ils avancent à la vitesse que leur permet leur braquet moulinette.
Les arbres de font rares on entre dans le domaine du minéral. Bientôt on arrive au Fort mais juste avant il y a une piste que Sébastien a immortalisée dans un article de Bike Café qui parle du col de la Moutière qui relie la Bonette à la montée du col de la Cayolle. C’est à faire en gravel on ne va pas s’y aventurer.
C’est presque le sommet on rejoint la brèche où se trouve le retour de la boucle finale qui permet d’atteindre Restefond. C’est là et seulement là, grâce à un dernier coup de rein en danseuse, que l’on atteindra cet espèce de Menhir qui marque symboliquement le sommet. Les motos pétarades autour de nous, mais nous sommes heureux d’y être parvenus. Notre petit groupe se congratule : on l’a fait ! …
Nos bonnes adresses
La Halte 2000
Ce restaurant d’altitude est un vrai bonheur. Il permet de faire une pause dans les descente pour soulager les mains crispées par les freinages et remplir l’estomac du vainqueur de col. Les salades sont supers bonnes et le service souriant. Nous allons nous réchauffer au soleil sur la terrasse avant de repartir pour Barcelonette en ayant refait le plein de calories.
Le gîte l’Eterlou
Un bon plan pour séjourner si vous voulez faire les cols autour de la vallée de l’Ubaye. Très bien tenu, bon accueil avec un apéritif et le traditionnel Kir maison. Le repas pris en commun est très bon et copieux. Les chambres sont très propres et il n’y a pas de bruit.
Prévoir un paiement par chèque ou en liquide les cartes bancaires ne sont pas acceptées.
L’Eterlou – Gîte d’étape et de séjour & Maison d’hôtes à Faucon de Barcelonnette au cœur de l’Ubaye
04 92 36 15 78 / 06 13 44 20 86 / serge.bardini@sfr.fr
A noter que le record d ascension est détenu par robert millard côté Jausier en 26 mn…. en 92… meilleur grimpeur de l époque.. le tour y est passé 3 fois il me semble.. 68.. 92… 2008..
Bonjour
C’était en 93 pas 92, j’y étais. Et le record c’est 1h5min. Parce que 26 min pour 24 km ça fait 55,4km/h!!!! Ils étaient bien dopés mais quand même !
Robert
J’ai grimpé plusieurs fois la Bonette, venant souvent en Ubaye. Merci pour cet article qui décrit bien l’ambiance. J’ai eu l’impression de faire une nouvelle ascension et de me retrouver à Halte 2000 pour reprendre des forces 😉