Puisque nous allons parler du livre Happycratie, on va commencer cette chronique avec légèreté – en musique donc – si vous le voulez bien. Parce qu’après, c’est du lourd ! …
Estimez-vous heureux, je vous épargne la version longue de ce fameux clip qui dure 24 h.
Souvenez-vous, il n’y a pas si longtemps j’ai tenté de vous parler de bonheur, en chroniquant, ici-même, le livre de Meik Wiking à propos du bonheur à la danoise. Je ne sais pas si vous l’avez lu, j’espère que vous aviez mieux à faire, de mon côté je continue de croire que si le bonheur tenait en une chanson écrite par Pharrel Williams ou une paire de chaussettes en laine, ça se saurait.
Spinoza, philosophe néerlandais (hasard ou coïncidence ? Encore un qui vient d’un pays vélo friendly) du 17ème siècle, aurait mieux fait de s’occuper de ses tulipes, plutôt que de tenter de philosopher et identifier « Qu’est-ce que le bonheur pour l’Homme ? ».
Toujours est-il que, quelques jours après avoir jeté les premières lignes de ma chronique sur le livre du Hygge, j’ai découvert la sortie de ce livre « Happycratie » paru aux éditions Parallèle** en cette fin Août 2018. Quel ne fut pas mon bonheur de me sentir moins seul et de découvrir que des gens plus intelligents que moi (je ne sais pas s’ils sont cyclistes) dénoncent avec méthode et force d’arguments cette industrie du bonheur, cette psychologie positive, cette injonction sociétale qui nous impose d’être heureux.
Mais merde ! … Laissez-nous déprimer en paix ! Arrêtez de nous balancer à la figure des #instahappy à longueur de journée.
Si on veut tenter d’aller mieux, aidez-nous, accompagnez-nous, mais avec des vrais raisonnements. Pas avec des conseils à la noix, qui produisent l’effet inverse.
« Bhououou, le bonheur a l’air si simple, une bonne gaufre et ma vie est remplie. »
« Bhououou, même ça je n’y arrive pas, je suis trop nul. »
Ce livre Happycratie va vous réconcilier avec vous même et vous aider à mieux définir ce qu’est le vrai bonheur (en opposition au bonheur futile).
À toutes fins utiles :
Le suffixe « cratie » sert « à former un mot en rapport avec un pouvoir ». Ainsi la démocratie défini le pouvoir détenu par le peuple (théoriquement, mais là c’est un autre débat). L’happycratie serait donc un néologisme définissant le pouvoir détenu par le bonheur. La vélocratie n’existe pas encore dans le Larousse mais on n’est pas loin.
Je n’arriverais pas à développer un raisonnement aussi pointu et étayé que Edgar Cabanas et Eva Illouz, les auteurs de ce livre. C’est pour cela entre-autres que je vous invite à lire cet ouvrage. Je n’irais pas non plus jusqu’à prétendre qu’ils écrivent tout haut ce que je pense tout bas ! (Je ne pense pas moi, je mouline). Ceci étant dit, tout au long de leur démonstration les auteurs nous expliquent les effets pervers de cette philosophie positive, cette philosophie du bonheur ; fondée sur l’individualisme plutôt que sur la communauté, ce courant de pensée a été récupéré par les pouvoirs en place (politique, patronat notamment) comme un façon d’évaluer la pertinence des actions qu’ils mettent en place :
- “Si le peuple est heureux, mon action politique est la bonne“, Emmanuel Macron n’a-t-il pas récemment invité les Français à se rendre un peu plus compte de la chance que nous avons de vivre en France et d’arrêter de râler ? (pour ceux qui ont oublié un article du Point c’est ici).
- Ou “Si mon salarié est heureux, tout va très bien dans l’entreprise“, madame la marquise.
- Si vous doutez encore, prenez une heure pour écouter ce podcast proposé par France Inter : sus au diktat du bonheur ;
- Si vous souhaitez en savoir un peu plus, vous pouvez aussi aller rendre visite au Think Tank (groupe de réflexions) consacré à Spinoza ici : Spinoza Think tank
Par contre, puisque nous parlons de bonheur, à priori à vélo (ou avec) puisque nous sommes sur un blog sur le lequel le vélo et sa pratique sont au centre, en suivant le raisonnement des auteurs :
- Si vous ne ressentez pas la plénitude du bonheur sur votre vélo, vous êtes normaux.
- Si vous pratiquez le vélo (urbain, gravel, route, vtt, bmx, piste, …) et que cela ne vous amène qu’une sensation de bien-être, sachez que c’est déjà pas mal.
- Si vous vous écriez au sommet du Galibier “Quel bonheur!”, vous n’êtes pas un imbécile heureux, mais simplement un cycliste content d’en avoir fini avec cette montée interminable.
- Si vous avez un énorme sourire en coin sur le visage, sur votre piste cyclable qui vous mène au boulot, alors que vous dépassez allègrement 347 voitures embouteillées, idem, vous êtes quelqu’un de normal.
Le bonheur n’est ni une science, ni un lieu, ni un moment, ni un état, ni une recette de cuisine. Vous pouvez décider de vous laisser guider, au petit bonheur la chance, il vous tombera dessus. vous pouvez aussi lire cet ouvrage qui vous permettra d’accepter que le bonheur n’est qu’un but et non une fin en soi.
* Le concept de psychologie positive est peut-être né à la fin du XXème siècle, à la lecture de ce livre il est permis de penser que le premier homme politique à l’avoir mis en place était bien Jules César, 2000 ans avant notre ère qui, pour acheter le bonheur de son peuple, lui offrit sans retenue “du pain et des jeux”. Finalement l’idio-cratie semble avoir encore de beaux jours devant elle.
** Premier Parallèle est aussi entre autres livre, l’éditeur de cet ouvrage “Le coureur et son ombre” écrit par Olivier Haralambon.
Informations
- Titre : Happycratie Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies
- Auteur(s) : Edgar Cabanas et Eva Illouz – Traduit de l’anglais par Frédéric Joly
- Editeur : Premier parallèle
- Site web éditeur :http://www.premierparallele.fr/livre/happycratie
- Nombre de pages : 260
- ISBN : 9791094841761 (papier) existe en numérique
- Date de publication : 23 août 2018
- Prix TTC : 21 € (papier) 11,99 € (numérique)
Pitch de l’éditeur
Le bonheur se construirait, s’enseignerait et s’apprendrait : telle est l’idée à laquelle la psychologie positive prétend conférer une légitimité scientifique. Il suffirait d’écouter les experts et d’appliquer leurs techniques pour devenir heureux. L’industrie du bonheur, qui brasse des milliards d’euros, affirme ainsi pouvoir façonner les individus en créatures capables de faire obstruction aux sentiments négatifs, de tirer le meilleur parti d’elles-mêmes en contrôlant totalement leurs désirs improductifs et leurs pensées défaitistes.
Mais n’aurions-nous pas affaire ici à une autre ruse destinée à nous convaincre, encore une fois, que la richesse et la pauvreté, le succès et l’échec, la santé et la maladie sont de notre seule responsabilité ?
Et si la dite science du bonheur élargissait le champ de la consommation à notre intériorité, faisant des émotions des marchandises comme les autres ?
Edgar Cabanas et Eva Illouz reconstituent ici avec brio les origines de cette nouvelle « science » et explorent les implications d’un phénomène parmi les plus captivants et inquiétants de ce début de siècle.
Cela me fait penser à une phrase d’un grand cinéaste américain de N.Y (W.A) qui disait “nous avons besoin de fausses illusions. Sans illusions, impossible de vivre, alors nous avons besoin de nous tromper nous-mêmes en croyant à quelque chose…”
Salut Sébastien, une fausse illusion est-ce une vraie certitude ou bien une réelle désillusion ?
J’avoue que je n’en sais rien. Ce livre HappyCratie est un peu ardu à lire mais finalement assez intéressant en élargissant un peu plus loin nos horizons que sur (et à côté) de nos vélos.