Inventée il y a vingt ans par Graeme Raeburn, designer en chef chez Rapha, la Festive consiste à rouler 500 kilomètres entre les deux réveillons, celui de Noël et celui de fin d’année. Désormais extrêmement populaire chez les cyclistes du monde entier et véritable institution sur Strava, ce défi peut se révéler une épreuve très difficile, voire insurmontable, si une météo défavorable transforme vos parcours habituels en véritables champs de bataille. Raison de plus pour bien préparer votre Festive, vous équiper convenablement et rouler avec l’état d’esprit qui convient.
Que vous ayez décidé de faire 500 kilomètres en un, deux ou huit jours, voici mes conseils (et par la même occasion, ma sélection des meilleurs produits de l’année) pour mettre tous les éléments (même les plus déchaînés !) de votre côté.
1) Enfilez des hauts résille
Tout cycliste sait le confort que procure une bonne première couche (“a good baselayer” dans la langue de Christopher Froome), mais seuls les initiés savent que l’on peut nettement améliorer (“definitely improve” dans la langue de Lance Armstrong) les qualités isolantes de son ensemble en commençant, à même la peau, par une résille qui viendra donc se situer sous votre première couche habituelle (que je préconise en mérinos, mais c’est l’objet du conseil n°2 !).
Une résille, c’est un tissus épais mais ajouré, à larges mailles, qui viendra créer une lame d’air entre votre peau et la première couche de vêtements. D’où une excellente isolation, aussi bien par temps froid qu’en période de canicule (n’oublions pas que certains font la Festive dans l’hémisphère sud). Cette résille permettra aussi une meilleure évacuation de votre humidité corporelle et évitera l’effet, très désagréable, des vêtements mouillés et collants à même la peau, vecteur supplémentaire d’inconfort et de refroidissement en hiver. J’ai personnellement opté pour les résilles Super Thermo de la marque norvégienne Brynje (prononcez “brunieuh” si possible avec deux quartiers de pomme dans la bouche), une magnifique découverte que je dois à Frédéric Paulet, vélociste aux Vans et infatigable découvreur de produits de qualité. Ces résilles à manches courtes ou longues se portent blanches ou noires, mais pour choisir, tenez compte de la libido de votre (vos) partenaire(s) bien sûr.
Tiens, au fait, comment dit-on libido dans la langue de Greg Lemond ?
2) Préférez les moutons d’Arles
N’en déplaise aux néo-zélandais, j’affirme que le Mérinos a été inventé à Arles. La laine qu’on lui tond fait le bonheur des cyclistes et autres sportifs de longue distance, car cette fine et soyeuse fibre dépourvue de jarre ne gratte pas, et le suif qui l’oint (il a longtemps que je voulais l’écrire ça, mais je ne pensait pas pouvoir un jour le publier sur Bike Café : “le suif qui l’oint”) empêche les bactéries de s’installer, donc le textile ne pue pas, même après plusieurs jours en selle. Sous-gants, bonnets, jerseys, baselayers, chaussettes produites en circuit court… la plupart des marques de vêtements de vélo (dont Rapha !) proposent aujourd’hui des articles en mérinos. Ils ont des propriétés isolantes exceptionnelles (qu’il fasse froid ou chaud, il existe des articles en mérinos de différentes épaisseurs, adaptés à toutes les situations climatiques) et ont la rare qualité de garder une certaine capacité isolante, même mouillés. On n’est pas loin du vêtement ultime, à l’image de mon jersey d’hiver préféré, le Allroad Thermo de chez Mavic, que je porterai encore cette année entre les deux réveillons.
3) Mettez les bonnes chaussures sur le vélo, pas sous le sapin
Pour se préserver du froid il faut bichonner ses extrémités ; tête, mains et surtout pieds qui, au plus près du sol, sont en prise directe avec l’humidité, voire les projection de pluie ou de neige. Ne mégotons donc point sur les chaussures et optons pour ce qui se fait de mieux en la matière. Personnellement, j’ai cassé ma tirelire pour les Sidi Zero Gore, une chaussure ultime pour des sorties extrêmes : semelles carbone pour un poids contenu et un transfert de puissance optimum, revêtement Gore-Tex respirant mais quasi-étanche, laçage micrométrique, éléments réfléchissants hautement visibles (voir conseil suivant), semelle intérieure en doudou…
On pensera à les compléter par des chaussettes d’hiver en mérinos (voir conseil n°2) et éviter tout point de compression qui entraverait la circulation sanguine. Comme l’explique très bien mon ami cycliste François Deladerrière, spécialiste du vélo d’hiver, le froid fait refluer le sang loin des extrémités pour irriguer et réchauffer en priorité les zones vitales, donc il ne faut pas favoriser cette tendance en gênant, même de façon minime, son déplacement en direction de nos chers petons.
4) Illuminez la route
On a tous dans notre mémoire d’enfant le souvenir d’un sapin de Noël illuminé qui scintille dans la pénombre. En cette veille de Festive, notre préoccupation n’est pas la beauté ou la mélancolie, mais la sécurité. En hiver, les jours sont courts, et si vous voulez enchaîner les kilomètres, il vous faudra sans doute rouler plusieurs heures de nuit, que ce soit le matin, le soir, ou les deux. Même en plein jour, la pluie et le brouillard peuvent rendre votre présence trop furtive pour des automobilistes pressés de retrouver leur dinde ou déjà un peu émoussés par l’apéro.
Prudence donc, et ne mettez pas un siècle pour arborer toutes les lumières nécessaires : les bâtonnets réfléchissants à fixer sur les rayons de vélo et des chaussures très visibles sont intéressants car, en mouvement permanent, ils attirent bien l’attention et produisent des signaux latéraux. Beaucoup de vêtements et de casques sont équipés d’éléments réfléchissants : choisissez-les en priorité.
Enfin et surtout, un éclairage avant et arrière sont indispensables. Je préconise, pour tous ceux qui aiment rouler longtemps, tant en été qu’en hiver, l’option du moyeux dynamo, qui va alimenter sans fin l’éclairage bien sûr, mais aussi recharger batterie-relais, GPS, téléphone, caméra, lampe frontale… différents appareils qui se déchargent d’autant plus rapidement qu’il fait froid. Personnellement, pour l’éclairage avant, j’ai opté pour l’excellente lampe Beacon produite avec passion par l’entreprise étasunienne Sinewave Cycles : elle présente les multiples avantages d’avoir un faisceau large et puissant et d’éclairer même à basse vitesse, ce qui est primordial en gravel et sur route dans les ascensions, mais elle propose aussi et surtout un condensateur et une prise USB intégrés qui permettent, grâce à un ingénieux interrupteur à trois position, d’orienter le courant produit par le moyeux dynamo uniquement vers le phare, uniquement vers la recharge USB ou un peu les deux. Le Beacon est également équipé d’un connecteur qui permet d’alimenter la lampe via une batterie externe lorsqu’on est à l’arrêt… on a affaire ici à une lampe tout simplement extraordinaire.
5) Changez de ̶p̶a̶r̶a̶d̶i̶g̶m̶e̶s̶ pneumatiques
Si vous ne vivez pas sur la Côte d’Azur (il paraît qu’il y fait beau et bon toute l’année disent les autochtones) et que le passage de roue au niveau de votre fourche et de vos bases arrières le permettent, augmentez sensiblement le diamètre de vos pneumatiques pour les routes mouillées, boueuses, verglacées, tout simplement piégeuses qui vous attendent à l’occasion de cette Festive.
Si votre vélo n’est pas trop “aero”, vous pourrez remplacer vos habituels 23 ou 25 mm par du 28 ; si vous roulez avec un vélo de gravel (même sur route !) ou un vélo typé “endurance”, vous pourrez sans doute aller jusqu’au 32 mm, qui tient la route en conditions hivernales. Ainsi, vous gagnerez en confort (grâce aux plus larges sections) et en sécurité (grâce aux qualités hivernales du pneu). Toutes les marques proposent des pneus dits “quatre saison”, “entraînement”, “allroads” ou “hiver”. Récemment, j’ai pu tester les formidables Pirelli Cinturato Velo qui auront ma préférence pour cette Festive sur mon Cinelli Tutto “mi-fixe mi-gravel”, en section de 32 bien sûr et en tubeless, s’il vous plait !
6) Mangez gras, (et seulement) à l’heure des repas
Quand on souhaite accumuler un maximum de kilomètres dans la journée, il faut tenir de bonnes moyennes, et donc limiter au maximum les arrêts. C’est pour cela qu’une alimentation “en pointillé” à base de produits sucrés est absolument à proscrire. Les “arrêts minutes” dans les boulangeries s’accumulent, et au final on perd du temps et on fait jouer les montagnes russes à sa glycémie, au détriment de l’efficacité et du bien-être corporel, surtout s’il fait froid. Le gras “transporte”, à poids égal, huit fois plus d’énergie que le sucre, et permet à votre foie de diffuser l’énergie dont votre corps a besoin dans l’effort de façon progressive, sur de longues périodes.
Je conseille donc de faire “seulement” trois vrais repas pendant ces jours de Festive (dont un petit déjeuner plus que sérieux, basé lui aussi sur des produits gras et non pas sucrés). Pour ce faire, je préconise par exemple deux excellentes spécialités ardéchoises qui contribuent chaque année à la réussite de ma Festive 500 : La pouytrol (panse de porc farcie) de la charcuterie Trouillas/Carrès à Saint Genest de Beauzon et les caillettes d’herbe du GAEC Les Caions à Saint Mélany. Le fait même d’aller acheter sur place en vélo ses délicieuses charcuteries à poêler et manger chaudes accompagnées de pommes de terre vapeur ou de polenta frite vous garantit déjà un bon paquet de kilomètres et de dénivelé au compteur…
7) Buvez chaud, buvez froid, mais buvez (de l’eau)
Lorsqu’on fait du sport, l’hydratation est primordiale, mais plus encore quand il fait froid car paradoxalement on oublie de boire, alors que cela favorise la circulation sanguine, donc aide à lutter contre le froid et favorise aussi la performance et la récupération. Il ne s’agit pas de boire du champagne ou de la bière (un peu quand même, mais le soir venu, après l’effort !) mais tout simplement de l’eau, qu’on peut boire chaude le matin (oui j’ai bien dit de l’eau chaude, pas du thé, au risque de s’arrêter pisser tous les quarts d’heure) puis froide lorsqu’on ne peut plus faire autrement. Je préconise donc, pour les sorties d’hiver, des bidons isolés, qui vont maintenir l’eau chaude plus longtemps, puis éviter que l’eau gèle en cas de températures négatives.
Pour ma part, j’utilise les bidons Camelbak Dirt Series Insulated, qui ont pour avantage, outre leur assez bonne capacité isolante, d’être équipés d’un capuchon qui protège la tétine des projections de boue et de sable. de plus, ils sont constitués d’un matériau inodore qui ne donne pas de goût désagréable à l’eau chaude. De l’eau chaude, sans rien d’autre dedans… oui oui, à la vôtre !
8 ) Soyez inventifs, soyez créatifs
Sortir rouler quand il fait froid, ce n’est pas vraiment motivant, et se retrouver dans la mélasse pour toute une journée de vélo peut être un grand moment de solitude, démoralisant et rédhibitoire pour le succès de notre festive. L’inventivité viendra alors à notre secours : on peut inviter d’autre cyclistes à partager cette folie (à plusieurs il fait toujours moins froid et les kilomètres paraissent moins longs), à condition que la proposition soit motivante. Tracez donc des itinéraires originaux, sur route ou en gravel, avec comme récompense un arrêt-repas dans un restaurant sympathique.
Donnez du piquant à votre parcours en inventant un circuit thématique : Gran Fondo en pignon fixe, gravel dans les vignes avec visite de cave(s), tour des micro-brasseries de la région… Même si vous roulez seul, profitez-en pour faire vos parcours habituels à l’envers, expérimentez des routes ou des régions où vous n’allez jamais, partez en train pour revenir en vélo (ou inversement)… La Rapha Festive 500, c’est l’opportunité de sortir de ses habitudes, sortir de soi-même, vivre une expérience nouvelle et unique.
9) Documentez et partagez votre aventure
Lorsqu’on tente un challenge aussi fou que la Rapha Festive 500, il est judicieux d’en garder trace. Ce n’est pas commun de rouler dans la neige ou dans le brouillard, les paysages et les lumières sont uniques. Vous pouvez prendre des photos, filmer, écrire, enregistrer des sons… avant, pendant ou après la sortie. Conscient du fort potentiel poétique et narratif de la Festive, Rapha propose un concours doté de prix pour ceux qui racontent leur festive avec talent.
Il y a plusieurs catégories dotées : le meilleur récit et la meilleure photo bien sûr, mais aussi la pire météo, et même un prix qui récompense l’échec le plus épique. Que l’on finisse ou pas sa Festive, c’est toujours intéressant de la documenter, de partager sur les réseaux sociaux et de garder trace de ce défi aussi peu raisonnable qu’il est mémorable.
10) Amusez-vous !
Invitez des amis à partager ce défi, car à plusieurs, un moment de galère peut se transformer en franche rigolade. Chaque soirée d’après-ride peut être suivi d’un apéro convivial et/ou d’un repas chaleureux (l’occasion de déguster du pouytrol, voir le conseil n°6). Dans “Rapha Festive 500”, il y a quand même le mot “festive” ! Faites de petits cadeaux à vos camarades de route : quoi de plus normal en période de Noël ? Rapha l’a bien compris, qui propose une page spécifique de son site à une sélection de cadeaux pour cyclistes.
Tant pis si vous ne finissez pas ce challenge, après tout, vous aurez mis le vélo dehors à une période où vous ne le faites jamais d’habitude et vous vous serez bien amusé. Plus encore, vous serez sorti de vous-même, et ça, ça n’a pas de prix ! Si vous arrivez au bout de l’épreuve, que vous validez cinq cent kilomètres de vélo entre le 25 décembre et le 1er janvier, une récompense somptueuse vous attend : vous gagnerez le droit de porter, cousu sur votre jersey préféré, le classieux écusson que Rapha offre à tous les finisseurs (compte Strava faisant foi). Il faut en profiter, car, suite à cette vingtième édition, Rapha annonce que désormais cette tradition de l’écusson s’arrête… Alors, tous à vélo pour cette édition de la Rapha Festive 500 !
Bien que j’aie du mal à comprendre l’intérêt d’avaler deux quartiers de pomme tout en portant une résille “Super Thermo”, je te remercie pour tous ces conseils qui vont m’être bien utiles pour ma festive.
Aaaah… essaye, c’est une expérience inoubliable 🙂
Bonjour Dan, Bon les rillettes j imagine que ça fait aussi l affaire……bon roulage et bonnes fêtes. Cordialement
Les rillettes c’est du gras donc tout va bien …
Sympa. Il n’y a bien que sur Bike Café où on trouve dans le même article des conseils sur les chaussures haut de gamme Sidi Zero Gore et la charcuterie (haut de gamme aussi probablement) Trouillas/Carrès de Saint Genest de Beauzon…
Pour ma part je rempile cette année encore pour la Festive 50…
Oui tout à fait Sébastien, le pouytrol de Saint Genest de Beauzon est à la charcuterie ardéchoise ce que Sidi est à la chaussure de vélo !
Bonne Festive 50 ; pour ma part, entre les deux réveillons je m’en vais aller découvrir de nouvelles routes (et par la même occasion, de nouvelles bières artisanales) en Catalogne.
Comme convenu voici mon commentaire. Bravo pour votre Festive 2019, c’était inventif et original !
Paul