Les pneus gravel de taille “standard” ont une section généralement comprise entre 35 et 40 mm pour les roues de 700. Mais aujourd’hui, on observe un engouement certain chez les cyclistes, mais aussi chez les fabricants de vélos et de pneumatiques, pour des pneus “hors norme”. On a déjà parlé dans de récents articles du retour en force de la pourtant “minuscule” section de 32 mm, avec l’enthousiasme autour des pratiques d’endurance, d’ultra distance, de bikepacking et de “gravel léger”, “allroad” et autres “all around”. Dans ce registre, nous avons déjà testé à Bike Café les Pirelli Cinturato Velo et les Hutchinson Sector, qui correspondent à ce type d’usage. Mais on voit également apparaître, à l’autre bout du spectre, des pneus de très grosse section, allant de 45 à 60 mm, pour des vélos qui peuvent les accepter…
Au delà des cadreurs artisanaux et des commandes spéciales qu’ils reçoivent, les fabricants de grandes séries s’y mettent, comme par exemple Specialized, Kona, ou Giant. Alors, s’agit-il d’une micro-niche réservée à quelque cyclistes snobs, ou d’une évolution intéressante pour la pratique du gravel ? Bike Café a voulu en avoir le cœur net… Dans cette première partie, nous ferons le tour de l’offre en vélos et en pneumatiques, et des usages que l’on peut en faire. Par la suite, nous irons sur le terrain, pour tester en situation réelle des pneus de gros diamètre spécifiquement conçus pour le gravel , et pourquoi pas des pneus d’autres disciplines, que nous détournerions de leur usage initial…
Des gros boudins… mais pour quoi faire ?
Si vous lisez régulièrement les articles que je publie sur Bike Café, vous avez certainement vu passer mes papiers sur les DFCI, et mon article sur le “monster gravel” que j’ai commandé à Salamandre Cycles pour parcourir ces voies anti-incendie du sud de la France sans être secoué comme un prunier. Les pistes très caillouteuses de la garrigue, des flancs du Ventoux ou de l’Aigoual sont certes passables en pneus de 40, mais il vaut mieux des roues de 650b et donc de plus grosses sections de pneus pour se sentir plus confort et à l’aise dans le pilotage. Lorsqu’on souhaite rester en roue de 700, ou que l’on a pas le choix, un large passage de roue s’impose pour monter plus gros que du 700X40c.
Lorsqu’on part en randonnée plusieurs jours et que l’on charge le vélo, les sections standard conviennent rarement. Je me souviens de mon Cycloss Sunn et de ses pneus de 40 (le maximum sur ce vélo) qui a digéré difficilement les pistes des Grands Causses avec ses 8 kg d’eau et de nourriture fixés sur sa fourche porteuse… Lors de mes “vacances de gravier” sur l’Aigoual ou l’Aubrac, avec plusieurs centaines de kilomètres de piste avalés dans la semaine, le confort était primordial, car la répétition de l’effort et l’exigence du pilotage s’associent mal à la fatigue générée par des secousses trop importantes. Grâce à de larges sections et un montage tubeless qui accepte des pressions de gonflage très réduites, on obtient une qualité de confort et d’accroche inégalable, exactement sur le même principe que les “fat bikes”, mais avec des vélos beaucoup plus légers.
Plusieurs marques l’ont compris, et proposent dans ce marché – encore confidentiel, certes – des vélos légers et maniables qui acceptent des pneus d’au moins 45 mm. Les vélos de cette catégories se rangent dans d’étranges familles, nommées “monster cross”, “hybrid”, “adventure” ou “29+”…
Pour quels vélos ?
Depuis longtemps, les marques américaines font des vélos capables d’accompagner les cyclistes sur des pistes accidentées pour leurs weekends de bikepacking. Le modèle le plus mythique de ces “adventure bikes” est sans aucun doute le Fargo de Salsa Cycles, qui accepte allègrement des pneus allant jusqu’à 3 pouces (76 mm !) sur ses roues de 700 ; mais d’autres vélos, comme le Cinelli Hobootleg Geo, ou le Surly ECR, entrent dans cette catégorie de vélos qui, comme l’écrit la marque Wilier au sujet de son Jaroon Plus en titane, sont “[des] sortes de VTT qui, grâce à leurs cintres course, deviennent des vélos hybrides taillés pour l’aventure”.
En parallèle de ces vélos d’aventure, des marques ont développé des vélos plus légers, avec des passages de pneus un peu plus étroits, qui sont sensés combler l’espace situé entre les cyclocross et les VTT pour des sorties sportives et engagées : ce sont les “monster cross” comme par exemple le Wide de chez Open, qui accepte quand même de généreux boudins de 46 mm, ou le Traildonkey de Rodeolabs et sa “clearance” (le mot anglais pour “passage de roue”) de 50 mm.
Enfin, on peut noter la toute récente apparition de modèles strictement qualifiés de gravel par leurs fabricants avec des passages de roues supérieurs au “standard” de 40mm : le tout nouveau Liv Devote Advanced Pro par exemple, spécifiquement pensé et dessiné pour les femmes, accepte facilement des pneus de 700 X 45c, voire jusqu’à 50mm à condition de ne pas aller traîner dans la boue. On peut aussi citer pêle-mêle le Rondo Ruut, le Specialized Diverge ou le Giant Revolt qui acceptent sur leurs roues de 700 des pneus frôlant les 47mm…
L’offre pneumatiques
Il faut par contre avouer que le choix de pneus gravel, surtout au delà de 50 mm (ou 2.00 pouces) est pour l’instant assez limitée. Mais on voit apparaître tout de même un pneu spécifique gravel de 2.2 pouces (55 mm) chez Teravail, le Sparwood. Pour ma part, j’utilise avec bonheur depuis quelques temps déjà le fameux Schwalbe G-One de 60 mm sur ma Salamandre. Mais c’est du côté des pneus VTT en 29 pouces que l’offre est pour l’instant la plus large. L’idée étant de dénicher des pneus roulants et légers, c’est dans la gamme des pneus XC (ou XCO, comprendre “Cross-Country) que nous trouverons sans doute notre bonheur, en particulier chez Maxxis ou Mitas (anciennement Rubena), Schwalbe ou Hutchinson n’étant bien sûr pas en reste.
Mais qu’en est-il du pilotage avec ce type de pneus beaucoup plus cramponnés, lourds et larges que nos pneus de gravel habituels ? Quid du rendement, de l’usure, de l’accroche sur chemin, et sur route ? Seuls des tests grandeur nature qui pourront nous permettre de nous faire une idée.
Rendez-vous donc dans un prochain article, pour un ride gravel en XXL …
Dan, pourrais-tu nous aider en précisant comment tu différencie le gravel du VTT XC pour le type de pratique que tu décris dans cet article ?
Perso, mais je ne suis pas le seul, je n’y comprends plus rien.
Je te cite : “Lors de mes « vacances de gravier » sur l’Aigoual ou l’Aubrac, avec plusieurs centaines de kilomètres de piste avalés dans la semaine, le confort était primordial, car la répétition de l’effort et l’exigence du pilotage s’associent mal à la fatigue générée par des secousses trop importantes. Grâce à de larges sections et un montage tubeless qui accepte des pressions de gonflage très réduites, on obtient une qualité de confort et d’accroche inégalable”.
Ne serait-ce pas du terrain VTT ? pour répondre aux différentes pratiques VTT il y a plusieurs types de géométries. Tous les VTT ne sont pas destinés à l’enduro ou au trail voire à la DH. Parcourir les causses en VTT XC semi rigide ou même full rigide, ça se fait depuis 30 ans. Pourquoi aurait-on besoin d’un autre vélo pour ça??
Le Jaroon Plus n’est pas un titane, mais bien un acier ! Titan-yellow is the color 🙂
Les Curve GMX et GMX+ seraient de bons exemples.
Oui merci Marc pour cette précision ! Je corrige immédiatement.
Le Chiru Kegeti est lui bien en titane 🙂
Bonjour Vince,
merci pour ton intéressant commentaire.
Pour essayer d’être clair dans ma réponse, je dirai que, quand tu poses la question du terrain et du modèle de vélo, je pose strictement celle de la pratique.
Effectivement pour moi, le sujet est moins l’endroit où l’on décide de rouler, que ce qu’on va y faire ; le propos est moins dans quel rayon on achète son vélo, que plutôt ce que l’on va en faire.
Je ne doute pas que l’Aigoual et l’Aubrac, que manifestement tu connais bien, soient idéaux pour y faire du VTT, du XC, du DH… Mais moi je ne pratique pas ces disciplines, tout autant nobles qu’elles soient. Je dirais que le VTT, quelque soit l’endroit où on le pratique et la spécialité choisie, est un “art du franchissement”.
Si tu acceptes cette définition, un peu réductrice certes mais qui présente l’intérêt d’éclairer mon propos, j’y opposerai ma pratique du gravel, plutôt destinée à l’aventure et au voyage, comme un “art du déplacement”.
C’est pour ça que, les disciplines étant bien sûr poreuses et difficiles à cloisonner précisément, j’ai choisi un gravel (puis désormais un 29+, plus adapté et confortable sur ces terrains) pour parcourir l’Aigoual et l’Aubrac.
Bien sûr, je le redis, les disciplines sont poreuses et difficiles à cloisonner, et il existe des vélos hybrides, certains même semi-ridides, ou “VTT rigides” auxquels tu fais allusion, des vélos très polyvalents, qui franchissent et qui roulent, et qui sont du coup bien difficiles à classer… Mais c’est ce qu’on en fait, comment on les pilote qui du coup va permettre de les qualifier et c’est, au passage, le sujet de cette série d’articles consacrés au gros pneus. C’est pour ça par exemple qu’une des illustrations de cet article montre une fourche de Surly ERC, qui est souvent vendu en kit cadre, car il peut indifféremment être monté en cintre plat ou drop bar.
Autre exemple, j’espère tester des pneus légers de XC sur mon Salamandre pour me faire une idée de leur adaptation dans le cadre de ma pratique voyage/aventures.
Pour résumer, peu m’importe comment on nomme les vélos et de quels magasins ils viennent ; je m’attacherai, dans cette série d’articles, à décrire comment des vélos hybrides, équipés de (nouveaux ou pas) plus gros pneus que les sections “classiques”, peuvent venir répondre aux besoins (nouveaux ou pas) des cyclistes de gravel.
Merci de nous lire,
Dan
Je viens du VTT et je n’ai jamais touché de ma vie à une vélo de route. Après des années urbaines et la paternalité, j’ai décidé de me remettre au vélo sérieusement il y a 7 ans.
Naturellement (pour moi), je suis parti sur un vtt dit endurigide (cadre rigide avec fourche à gros débattement). Sympa pour les single tracks de Provence mais une tannée pour rouler réellement.
Je me suis ensuite posé la question de ma pratique, pas celle dont je rêvais quand j’étais plus jeune, à savoir sauter partout en écoutant du punk rock, mais celle qui était réellement là.
Je me suis rendu compte que le vélo est pour moi un moyen d’exploration. J’explore en franchissant, j’explore en roulant, j’explore en cherchant de nouveaux itinéraires…
Le Gravel avec de petites sections de pneus est trop restrictif pour moi, un VTT avec fourche et de grosses sections aussi.
Le concept de Monster Cross me va comme un gant car à la croisée des chemins. Je suis en 29”/700 et je trouve que la meilleure section se trouve entre 45mm et 50mm. Cela reste le plus passe-partout par rapport à mon cahier des charges. Mais quelle plaie de trouver un pneu de 47 ou 48 mm roulant et accrocheur ! Teravail, WTB, René Herse en font mais ils ne sont pas légions.
Bonjour Pierre,
Merci pour votre commentaire, qui s’inscrit tout à fait dans le propos de cet article. Dans les “épisodes” à venir, nous testerons justement les pneus gravel (ou apparentés) disponibles (ou en train d’arriver) sur le marché, ainsi que des pneus initialement conçus pour d’autres pratiques, mais qui peuvent s’adapter à nos besoins… À bientôt donc pour continuer à creuser ce sujet passionnant !
Propriétaire d’un Origine Graxx, j’avais des conti 700×32 d’origine (ouh, je suis drôle), ceci afin de privilégier, avant tout, le vélo taf quotidien. Mais après quelques sorties Gravel dans les Pyrénées (je vis à Toulouse), j’ai très vite constaté les limites ! Roue arrière qui décolle tout le temps à la montée et séance de marteau piqueur à la descente. Je suis donc passé à la taille extrême conseillée par la marque du vélo, c’est-à-dire 700×45. Des Hutchinson Touareg. Ça passe beaucoup mieux, tant dans les montées caillouteuses que les descentes. J’ai pu également gouter l’été dernier aux DFCI ardéchoises. Et le 45 me parait vraiment le strict minimum pour les passer !
J’étais plutôt satisfait de cette combinaison même si on commence toutefois à devenir pataud sur la route. Seulement voilà, cette taille est franchement limite par rapport à l’espace inter-haubans du cadre. Et lors d’une sortie un peu humide et donc avec graviers collés au pneu, j’ai commencé à usiner le cadre malgré mes protections préventives… Du coup, je suis repassé en 40 à l’arrière et resté en 45 à l’avant. L’arrière est allégée mais avec moins de confort et d’adhérence en montée. Snif ! un peu déçu d’Origine.
Deux Réflexions personnelles :
1. Le Gravel renoue avec une pratique du VTT des années 90 où la plupart des VTTs étaient des fully-rigid et où beaucoup de pratiquants étaient plutôt dans « l’exploration » et le plaisir de faire des bornes dans la nature que dans « l’art du franchissement ».
2. Le Gravel vient des US où il existe ces fameuses gravel roads. En France et même en Europe, hormis certaines DFCIs assez roulantes qui s’en rapprochent un peu, ces routes n’existent pas. Toutes les routes sont bitumées et dès qu’on les quitte, le terrain devient vite cassant et les pneus inférieurs à 40 atteignent très vite leur limite. Donc je pense, que les fabricants ont tout intérêt à proposer des vélos qui acceptent du gros.
Bonjour Fabien.
Je rejoins totalement vos deux points de réflexion. Habitant en Provence (où cela “tabasse” pas mal sur les chemins), j’ai d’abord pris un Genesis Croix de Fer (max clearance de 45). Je l’ai essayé sur une sortie et l’ai revendu directement. J’ai pris ensuite un Genesis Vagadond qui me satisfait maintenant depuis plusieurs années car il accepte de larges pneus de plus de 2.1”. Après quelques années en gros pneus (où je perdais de l’efficacité sur route), je suis revenu à un WTB Riddler 45. Pour moi c’est un pneu fin (d’autant qu’il fait 43 sur ma ante Hope de 19mm) même si certains routards trouvent cela gigantesque. Je cherche en ce moment un pneu de 47-48 (véritablement) sans pour autant passer sur un pneu VTT (trop haut qui touche la pointe de la chaussure dans certains passages – mon cadre est en taille S), pas facile, l’offre est limitée.
Pour moi, au dessus de 45-50 mm, on rentre vraiment dans le monde du vtt. S’il faut plus gros, c’est qu’on se fait vraiment secouer. Sur les chemins à la française (je suis dans le massif central), c’est la garantie de de crever à court terme. Sur les singles, c’est vraiment bizarre de jouer avec le petit guidon. Y a du challenge mais bon…
J’aime beaucoup les surly et les monstercross mais faut bien reconnaitre qu’un vtt de xc en 100 mm est bien plus adapté dès qu’on change de terrain.
Pour moi, l’intérêt du gravel est de pouvoir aussi profiter aussi de la route quand il faut explorer.
Avec des pneus comme les riddler en 37-45, je passe sur pas mal de terrains (chemins roulants et bitume pourri comme revêtements neufs) et ça me convient bien.
Au dessus, c’est gros, ça coute cher, faut un vélo bizarre, pas sûr que le jeu en vaille la chandelle, Hormis sur des parcours très spécifiques ou avec beaucoup de bagages (genre traverser l’Islande en autonomie).
On dirait que les constructeurs nous amènent sur un terrain où ils continuent à segmenter le marché pour vendre du matériel spécifique. En bon pratiquant de fat, je vois où ça peut mener. 5 ans plus tard, il n’y a presque plus d’offre neuve, c’est compliqué de trouver des pièces correctes (pneus, transmission adaptée). Espérons que le gravel ne connaisse pas cette évolution.
Bel Article qui soulève pas mal de questions que nous nous posons aussi en Suisse ! 🙂 Je suis possesseur d’un Salsa Fargo depuis cet été 2020. Les infos du site m’ont bluffé sur la capacité du cadre à accueillir du gros pneu, alors je me suis laissé aller à tester ça ! Je l’ai utilisé en voyage familial (env. 50 km par jour avec affaires de camping et une petite fille de 3 ans dans la charrette à l’arrière) avec des pneus de 55mm, les René Herse Antelope Hill sur des roues en 29′. Eh bien c’était le bonheur, sur route ou gravel (pas trop engagé bien sûr), j’ai eu énormément de plaisir.
Pour compléter, j’ai une paire de roues en 27,5 avec, cette fois, des pneus de 3” (env 71mm). On est d’accord, ça frise le fatbike, mais juste pas (je dois encore le tester sur la neige cet hiver). Beaucoup de plaisir aussi sur le gravel plus engagé, pas encore vraiment essayé en montagne, mais plus rien ne vous fait peur. Avec une pression de pneus adaptés, ça officie carrément comme une petite suspension et c’est bestiale. Au revoir le grosse relances par contre, mais pour des sorties plus aventureuses, orientées “découvertes”, c’est le pied !
Il y a encore tellement à essayer et à comparer, c’est très motivant ! 🙂