Hutchinson, qui fabrique ses pneus en France, annonçait il y a quelques semaines le Challenger TLR (TLR pour “Tubeless Ready”), un nouveau pneu qui embarque des technologies surprenantes pour s’adapter parfaitement à l’entraînement quatre saisons et à la longue distance sur route.
Non contents de relayer le lancement de ce pneu endurance 4 saisons, nous avons décidé de tester ce Challenger TLR, qui vient enrichir notre collection, plutôt conséquente, de pneus route-endurance tubeless de 32 mm de section.
Un pneu qui en impose
Dans son communiqué de presse, Hutchinson annonce un pneu increvable, au propre comme au figuré, garanti 15000 km et capable de se jouer des revêtements les plus hostiles, comme ceux de la Transcontinental Race, une course de 4000 km à travers l’Europe. C’est une course sans assistance qui oblige les participants, pourtant équipés de vélos de route, à emprunter de longs passages tout-terrain très cassants pour rejoindre les points de contrôle. Autant dire que sur la TCR, éviter les crevaisons est un enjeu majeur.
Au déballage, le pneu correspond à tout à ce que j’imaginais : il pèse son poids dans la main, la gomme matte est épaisse même sur les flancs, la carapace de caoutchouc le couvre sans interruption d’une tringle à l’autre.
La bande de roulement est lisse, mais encadrée par des gravures en éclairs prévues pour l’évacuation de l’eau, très semblables à celles du Cinturato Velo de Pirelli, qui serait d’ailleurs, à première vue et au toucher, le pneu le plus proche du Challenger TLR dans cette famille des pneus route-endurance tubeless de 32 mm qui ne cesse de croître et se diversifier.
Les tringles sont massives mais étrangement souples, de section triangulaire aux angles ronds, ce qui est très original et correspond sans doute aux spécificités propres à ce pneu tubeless pouvant (d’après Hutchinson) être utilisé sans produit préventif. Cette intuition se confirmera par la suite, les tringles assurent une très bonne étanchéité du pneu.
Le Challenger TLR impressionne par son “corps”. Il y a sa masse bien sûr, mais on pressent également à la vue de sa composition et de la forme de la section de ses tringles, la complexité des technologies embarquées. Cela correspond tout à fait à l’idée qu’on peut se faire d’un pneu spécialisé et de catégorie supérieure.
À son envers, comme c’est de plus en plus souvent le cas dans les pneus tubeless, une gravure perpendiculaire au sens de roulement permet de mieux répartir le préventif sur toute la surface intérieure en utilisant la force centrifuge. Ce n’est pas anecdotique puisque le préventif pourra ainsi reboucher des crevaisons qui se situeraient loin de la zone de roulement. J’ai d’ailleurs pu, au démontage après le test, vérifier que le préventif se répartissait bien sur la largeur. Dans le cas contraire, lorsque les pneus sont entièrement lisses à l’intérieur, on peut remarquer quand on les démonte que le préventif se stocke uniquement dans la zone centrale très étroite qui correspond à la bande de roulement.
L’impression première se confirme sur la balance. Avec un poids de 470 grammes, le Challenger TLR est, de loin, le pneu route 32 mm le plus lourd de sa catégorie. À titre de comparaison et à l’autre bout du spectre, le Vittoria Corsa Pro que j’ai testé quelques semaines auparavant affichait un peu moins de 300 grammes sur la même balance… une différence considérable, qui annonce sans doute un comportement particulier et destine ce pneu à des usages assez spécifiques.
Le montage , un premier challenge ?
Contrairement à ce que pourrait laisser penser sa robuste carcasse, le Challenger TLR n’est pas très difficile à monter. L’ensemble du pneu est très épais (particulièrement près de la bande de roulement) mais les tringles, imposantes elles aussi, sont assez souples. Pour faciliter le passage des tringles sur la jante, j’ai pulvérisé de l’eau savonneuse sur le bord de la jante, les crochets et les tringles du pneu et j’ai pu finir de monter le pneu sur la jante à la seule force de mes doigts.
Étanches, très étanches…
L’un des arguments qui a attiré mon attention dans la communication d’Hutchinson au sujet du Challenger, c’est qu’il est absolument étanche, ce qui (en théorie), permet de l’utiliser sans produit préventif !
Bien entendu, mon devoir de testeur et ma curiosité légitime m’ont obligé à tenter l’expérience, sans pour autant me rassurer complètement, ni dissiper un certain nombre de questions.
Je m’explique. D’abord, pour ce qui est de l’inquiétude, si j’ai accepté de passer au tubeless en abandonnant la chambre à air, c’est avec l’assurance que le préventif boucherait les crevaisons qui ne tarderaient pas à se produire un jour ou l’autre. Mais comme vous le savez, les paradigmes ont la peau dure… Aussi n’est-ce pas sans crainte que j’ai osé l’expérience du Challenger sans produit préventif… tout en transportant en permanence une fiole de préventif dans ma sacoche de cadre : on n’est jamais trop prudent !
… Plus ou moins étanches (malgré eux)
Premier commentaire : non seulement je n’ai pas crevé, mais effectivement, les pneus se sont montrés complètement étanches ! Pour l’anecdote, j’ai dû m’absenter pour dix jours après avoir monté les pneus sur les jantes. À mon retour, les pneus n’avaient pas perdu un dixième de bar pour l’un, un seul bar pour l’autre !
Après un mois de test, j’ai remarqué la chose suivante : alors que la pression du pneu avant ne bougeait pas, le pneu arrière perdait régulièrement de l’air. Cela était sans doute dû à une fuite au niveau de la valve ou de l’adhésif de fond de jante. J’ai donc choisi de laisser le pneu avant sans préventif sur toute la durée du test, et d’injecter 60 ml de préventif dans le pneu arrière.
À la fin du test, au démontage, j’ai pu vérifier qu’effectivement mon pneu arrière se dégonflait à cause de l’adhésif de fond de jante. Mais j’ai pris tellement confiance dans l’étanchéité et la solidité du Challenger TLR que, pendant le test, j’ai progressivement oublié d’emporter un flacon de préventif au cas où. J’ai donc roulé 2000 km avec le pneu avant “sec”, sans aucun problème.
Préventif ou pas ?
Cela nous donne déjà quelques éléments pour alimenter la réflexion (la polémique ?) sur les montages tubeless sans préventif : le Challenger est très étanche, mais les fuites ne viennent pas forcément du pneu.
Il y a deux failles potentielles si on utilise des pneus tubeless sans préventif : premièrement, en cas de crevaison, il faudra mettre du préventif pour réparer (donc en avoir toujours sur soi), ou une chambre à air si l’on n’a pas de préventif.
Deuxièmement, à moins d’avoir des jantes tubeless fermées sans besoin d’adhésif de fond de jante (à l’image des jantes Mavic utilisant la technologie Fore Carbone) et une valve très bien posée, on sera à la merci des fuites plus ou moins importantes que le scotch de fond de jante et la valve pourront provoquer.
À noter qu’Hutchinson préconise tout de même de monter le pneu avec du préventif. On n’est jamais trop prudent…
Quel serait donc l’intérêt de rouler sans préventif ? Aucun a priori, car l’argument du poids économisé ne tient guère quand on utilise des Challenger TLR qui, comme on l’a vu plus haut, pèsent plus de 450 grammes l’unité ! Surtout si l’on transporte sur le vélo un flacon de préventif au cas où.
Mais il faut quand même considérer un avantage à garder ses pneus “propres” : Si l’on utilise les Challenger uniquement en saison hivernale, on pourra démonter et stocker les pneus jusqu’à l’hiver suivant sans avoir besoin de les nettoyer et les utiliser ainsi par alternance trois ou quatre hivers d’affilée tellement ils sont durables.
On peut également penser que si on met du préventif dans ces pneus qui sont, pour le coup, parfaitement étanches, il mettra beaucoup plus longtemps à sécher et restera efficace beaucoup plus longtemps que dans des pneus “poreux”.
Conditions du test
Le test s’est déroulé sur un peu moins de trois mois entre fin novembre 2023 et mi-février 2024. Pendant cette période hivernale où les conditions ont été majoritairement sèches et douces mais avec tout de même quelques sorties sous la pluie, j’ai roulé un peu plus de 2000 km avec les Hutchinson Challenger TLR montés sur mon vélo de route-endurance Chiru Kunlun.
Poids des roues et poids du vélo
Je ne vais pas vous mentir, avec presque un kilo de pneumatiques autour de ses roues, mon vélo de route a clairement changé de comportement.
Dans un premier temps, j’ai accusé le coup. Il m’a fallu une bonne dizaine de sorties pour “oublier” que les relances en danseuse et les montées étaient devenues moins vives. Bien sûr, l’inertie des roues lourdes a bien quelques avantages, lorsque le vélo est lancé, à plat, face au vent… Mais je sais, avec l’expérience du bikepacking, qu’avec un vélo plus lourd, il faut atteindre sa vitesse habituelle plus progressivement, éviter les à-coups, sous peine de payer à un moment ou un autre le surplus d’effort consenti.
En longue distance, lorsque le vélo est chargé, on sait prendre ce facteur en considération et on se soucie moins du poids du vélo que pour des sorties courtes en peloton. Mais si le poids du vélo change la donne, lorsqu’il est situé au niveau des roues, la sensation de lourdeur est encore plus nette. Il faut alors une bonne dose d’abnégation et d’humilité pour l’accepter.
Constance et sérénité
Contrairement à d’autres pneus testés ces dernières années, je n’ai pas eu l’impression que les Challenger TLR mettaient du temps à se “faire”. Leur rendement et leur comportement n’a pas notablement évolué entre les premières et les dernières sorties du test. Les Challenger se sont distingués par un comportement remarquablement constant de zéro à 2000 km. On peut d’ailleurs généraliser cette constance du Challenger face aux différentes conditions météo, aux températures et aux revêtements les plus variables affrontés pendant cet essai. À l’image du Fleecer Ridge de René Herse, un pneu lui aussi conçu pour une épreuve d’endurance très difficile (le Tour Divide), le Challenger TLR reste admirablement efficace et égal quel que soit l’environnement qu’il aborde. Je dirais qu’il ne s’agit pas d’un pneu ludique mais d’un pneu sûr, qui va contribuer à la sérénité du pilote en toute circonstance. La Transcontinental Race n’a qu’à bien se tenir, le Challenger arrive pour la courir !
Pressions, confort et adhérence
Les Challenger sont très confortables, avec un toucher de route que je qualifierai de “tendre”, et ce, quelque soit la pression de gonflage : pendant le test, entre 3 et 4 bars, je n’ai pas constaté de différence notable de rendement, de confort ou d’adhérence. Sans doute, la structure et/ou l’épaisseur de la gomme limitent, voire annulent, les différences de comportement habituellement liées aux choix de pression.
Si le choix de pression a eu de l’influence, c’est uniquement sur l’accroche de la roue arrière. Je m’explique : Les Challenger se sont montrés très sûrs en courbe, que se soit sur route sèche ou mouillée et, dans une moindre mesure, sur graviers (on va pas tenter le diable quand même, il s’agit de pneus lisses). Mais sur les chemins de gravel, j’ai constaté en montée de rares et courtes glissades du pneu arrière sur des cailloux. Rien d’embêtant ou de dangereux, juste une perte d’adhérence dans le sens de roulement du pneu, pendant une fraction de seconde.
Cela ne m’a pas particulièrement gêné, mais c’est quelque chose que je n’avais pas constaté lors de mes précédents tests avec de pneus route-endurance. J’ai néanmoins remarqué que ces mini-glissades ne se produisent plus à 3 bars, qui est la pression de gonflage la plus basse que j’ai essayée.
Je suppose que ces dérapages pourraient aussi disparaître avec une bande de roulement un peu plus usée, un peu plus tendre. Mais il faudrait sans doute 1000 ou 2000 km de plus, car le Challenger est tellement costaud qu’après ce test de 2000 km, la bande du roulement du pneu arrière ne montre aucune trace d’usure, si ce n’est deux micro-coupures de surface, dues à des cailloux tranchants ou des morceaux de verre.
Blessures (très) légères
Oui, disons-le, les Challenger TLR ne sont pas absolument inattaquables. Mais après plus de 2000 km sans les ménager : routes lisses à très dégradées, milieu urbain, gravel léger, DFCI parfois très caillouteux, le pneu avant est comme neuf. Le pneu arrière ne montre aucune usure de la bande de roulement, ou alors il faut utiliser l’appareil photo en mode “macro” pour en constater une.
Cela n’annonce sans doute pas une durabilité jusqu’aux 10000 km évoqués par la marque, mais, à mon avis, largement au-delà des 5 ou 6000.
Il y a donc deux micro-coupures sur la bande de roulement du pneu arrière, mais c’est très peu au vu de la rudesse des surfaces que j’emprunte et du kilométrage. D’après ce que je peux observer, ces entailles sont limitées à la couche supérieure de gomme et ne semblent en aucun cas menacer l’intégrité de la structure ou l’étanchéité du pneu. Au banc non scientifique et hasardeux de mes itinéraires “allroad”, le Challenger TLR est incontestablement le plus cuirassé de tous les pneus tubeless de 32 mm que j’ai testés jusqu’à présent.
Hutchinson, une marque assez gonflée
Il est temps de se faire un avis sur ce pneu pour le moins impressionnant et atypique. Le Challenger est clairement un pneu radical et spécifique, qui serait cantonné à un marché de niche et ne devrait intéresser finalement qu’une minorité de cyclistes.
Et après tout, pourquoi pas ? Ce qui est génial avec Hutchinson, c’est que la firme a déjà fait par le passé preuve d’audace, n’hésitant pas sortir des séries limitées, comme le Fusion 5 LTD Gridskin avec ses magnifiques flancs typés QR code.
Créateur de mythes
Hutchinson a aussi inventé et commercialisé le mythique Speed’n’Stop, un pneu spécialement conçu pour les utilisateurs de pignons fixes “breakless” (sans frein). Lorsqu’on “skide” (dérape) pour ralentir ou s’arrêter net en bloquant les pédales, le pneu y laisse de la gomme, donc “Hut” a conçu le Speed’n’Stop avec une bande de roulement très épaisse, qui garanti un bon paquet de kilomètres et de skids sans que le pneu n’explose.
Akim Dermel de Granplato.CC, qui ne fait pas que du 26” mais aussi beaucoup de pignon fixe breakless, est un inconditionnel de ce pneu, avec lequel il dévale les Alpilles en laissant de sinueuses zébrures noires sur la route et comme une odeur de brûlé dans l’air.
Communication maîtrisée
Hutchinson est une marque majeure du marché du pneumatiques, qui ne perd pas le nord et ne fait rien par hasard. Cette stratégie du “pneu de niche” entre dans la composition équilibrée et efficace d’une communication à deux têtes, qui trouve son équilibre entre pneus très spécialisés mais au fort pouvoir évocateur et best-seller qui durent, comme par exemple les éternels Overide et Fusion.
Peut-être que les Challenger, même s’ils n’intéressent a priori que peu de cyclistes (ce qui reste quand même à vérifier), contribueront à la légende “aventure-exploit-épopée” de la marque ? L’avenir nous le dira !
VAE Friendly
Et si le Challenger TLR n’était finalement pas un pneu destiné à un marché de niche ? Si le Challenger TLR équipe les cyclistes d’ultra-distance, il pourrait, par ailleurs, équiper les VAE sportifs de route qui sont en plein développement et pour lesquels le poids n’est pas un handicap puisque l’assistance électrique vient au secours des cuisses du cycliste.
Un pneu aussi confortable, solide et durable que le Challenger TLR sera donc tout à fait adapté aux VAE sportifs, sans oublier les vélotafs qui affrontent quotidiennement les débris de verre et les vélos de voyage sur leurs itinéraires exotiques et hostiles.
Alors, êtes-vous un Challenger ?
Avant d’acheter ces pneus, il faudra peser (sans jeu de mot) le pour et le contre.
Si les crevaisons sont votre plus mauvais cauchemar, que vous voulez rouler sans soucis plusieurs milliers de kilomètres sans penser rustine, préventif, claquage au compresseur ; si vous voulez des pneus spécifiques pour rouler deux ou trois hivers entiers par tous les temps, même sur les tarmacs les plus agressifs, avant de monter des pneus plus légers pour la belle saison et/ou si vous avez de grosses cuisses, le Challenger TLR est fait pour vous.
Si, par contre, vous faites moins de 70 kg, que vous aimez accumuler le dénivelé positif et briller en peloton (voire dans les échappées), oubliez le Challenger ! Rassurez-vous, vous pourrez tout de même faire de l’endurance sur route avec des pneus tubeless de 32 mm signés Hutchinson, en vous rabattant par exemple sur l’excellent Sector, un pneu qui fait référence dans le club très fermé des pneus route endurance 32 mm, et que nous avons déjà testé et validé dans un précédent article.
Sans oublier qu’Hutchinson, qui a plus d’un pneu dans son sac, prépare peut-être la sortie d’un autre pneu en 32 mm, plus vif et léger, orienté performance, qui pourrait sortir dans les semaines à venir… mais ceci est une autre histoire !
Pneu Hutchinson Challenger Tubeless Ready – Hardshield – Bi-gomme 56,99€
RETROUVEZ ICI MON DOSSIER COMPLET SUR LES PNEUS ROUTE/ENDURANCE TUBELESS DE 32 MM
Merci pour ce beau compte rendu
Hutchinson fabrique certains de ses pneus en France…et d’autres ailleurs
Je confirme, un pneu vraiment solide et très doux au roulage. Je le réserve à l’hiver sur mes roues alu, le poids n’est pas aussi important qu’aux beaux jours.
Chouette revue, merci !
Suite au test du sector j’en ai acheté paire (pour velotaf et balades). Je roule essentiellement dans le 93 où les routes sont souvent défoncées avec des travaux à tous les coins rues…
Le sector est très rapide, hyper confortable en tubeless, en revanche je le trouve fragile : 3 mèches en 18 mois sans compter les nombreuses crevaisons colmatées par le latex.
Le challenger semble idéal, mais à plus de 60€ je ne peux pas me le permettre. Même s’il est made in France.
En comparaison, le Sector m’avait coûté 30/35€ pièce.
Je finirai en Schwalbe Marathon
60€, certes… mais si le pneu roule 5000 km, tu vas vite t’y retrouver niveau prix.
C’est sûr que la durée de vie du pneu rend le prix déjà plus intéressant au long terme. Les schwalbe Marathon attendront !