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Vieillir à vélo, un beau projet d’avenir

Vieux : voilà un mot qui peut socialement faire peur et qui est pourtant le titre d’un nouveau magazine. Les “boomers” sont la cible de ce trimestriel, aux commandes duquel il n’est pas étonnant de trouver le fringant septuagénaire Antoine De Caunes. La découverte en kiosque de “VIEUX” m’a questionné sur notre façon de considérer l’âge dans notre univers vélo. Le sujet concerne bien sûr les vieux cyclistes, mais aussi tous les autres qui seront vieux un jour… Pour moi, c’est fait, me voilà arrivé à 76 ans ! La naissance de ce magazine me rassure car voilà enfin un média, qui ose afficher en grosses lettres un mot que la société, et donc l’écosystème du vélo, évitent de prononcer.

Vieux

Photo de couve Lino Lazzerini, collectionneur (à droite) – photo Philippe Aillaud. J’ai roulé récemment avec lui et je vous assure qu’à 80 ans, il a encore un sacré coup de pédale. Tous les 2 nous partageons les misères de nos fractures accidentelles de fémur. Il est toujours à fond dans ses projets d’animations en vélos anciens avec son équipe de copains en roulant sur des vélos du siècle dernier, le sourire aux lèvres.

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Dans les magazines de vélo et encore moins sur les images photos et vidéos produites par le marketing des marques de cycles, nous avons l’occasion de voir des tempes grises. Le muscle saillant, tatouages au vent, dans des positions très aéro, moulé(e)s dans des maillots hyper fit, de superbes athlètes s’affichent sur des vélos de plus en plus performants. J’aime, même si je lutte contre, cette phrase tirée de l’article de la philosophe Olivia Gazalé, publié dans VIEUX : “L’idéologie du progrès de la performance et de l’efficacité productive rejette les personnes âgées dans le camp des inutiles”.

Ce manque de représentativité des seniors s’exerce même dans le segment du VAE. Ils sont généralement achetés par des plus de 50 ans et pourtant les marques utilisent pour beaucoup, l’image de femmes sveltes plutôt jeunes : cliché absolu. Dans cet univers, emprunt d’un jeunisme totalitaire, les populations plus âgées sont devenues invisibles, reléguées dans une sorte de “maison de retraite” médiatique. Ils appartiennent pourtant à une tranche commerciale qui pèse de façon significative sur le marché du vélo. L’âge ferait-il peur au commerce ? Allez-vous acheter ce vélo pour ses qualités ou parce que vous allez vous identifier au “casting” de ces photos ?

Je me suis senti vieux, lorsqu’une jeune fille s’est levée pour me proposer sa place dans le bus…

Patrick

Ne pourrait-on pas, comme dans le nouveau magazine d’Antoine De Caunes, porter un regard plus juste sur le temps de la vieillesse ? Entre une recherche pathétique de l’éternelle jeunesse et la voie de garage de l’EPHAD, il y a sans doute une alternative à cet évitement chronique. La vieillesse, c’est le temps de la transmission, du partage, de l’expérience. C’est le moment idéal pour faire de nouvelles découvertes, comme celle que j’ai pu faire il y a 10 ans en découvrant le gravel par exemple, mais aussi pendant cette période, plein d’autres pratiques. J’ai roulé un temps dans un club qualifié de “cyclosportif”, dans lequel j’étais décalé, avec mes gros pneus et mon vélo en acier. Pour certains cyclistes, le temps s’est arrêté et ils n’abordent pas facilement les nouveautés, déclamant à l’infini le refrain : “De mon temps...”.

vieux
Prendre le virage de l’âge, sans tomber dans le cyclisme pathétique… photo Patrick VDB
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Origine Prymalh

Il faut savoir prendre le virage que l’âge nous impose, pour ne pas tomber dans le cyclisme parfois pathétique des sorties du dimanche matin qui se transforment en critériums. Le voyage dans le temps et les époques, pour ces cyclistes habillés de lycras révélant une bedaine naissante (les fameux “mamils” : Middle Age Men In Lycra), est mal engagé. J’ai quitté ce monde exclusif et aujourd’hui, j’ai du mal à trouver ma place dans un univers vélo qui a un peu honte de sa vieillesse. Les vieux jouent aux jeunes et les jeunes, ne voient dans les vieux qu’une perspective peu réjouissante.

Vieillir : un projet de vie

Dans chaque vieux il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé. 

Groucho Marx

C’est une antiphrase de dire que vieillir est un projet de vie. Cependant, même si ce n’est pas forcément votre projet, l’âge vient inéluctablement apporter son lot de dégradations physiques et intellectuelles. C’est déjà une chance d’être encore là, par rapport à ceux qui nous ont quitté trop tôt. Si vous prenez de l’âge et que vous avez la possibilité de vivre vos passions, il faudra progressivement et régulièrement vous adapter (vous, et votre pratique du cyclisme), au temps qui passe. Il se dit souvent que l’âge, c’est dans la tête. Habituellement, je n’apprécie pas ce genre de formules qui alimentent les discussions de peloton ou de comptoir, mais je trouve celle-ci assez juste. J’aime cette citation de Groucho Marx, mise en exergue dans le magazine Vieux : « Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé. » Il faut savoir être étonné par cet âge qui arrive et au lieu de constater les dégâts causés par les années, en faire une force, en explorant avec curiosité le monde du vélo actuel, en pleine transformation, puisqu’il offre même aujourd’hui une assistance électrique aux plus diminués. Quand la discussion arrive sur le sujet avec des cyclistes de rencontre et que j’annonce mon âge, on me dit “Bravo, si on me dit qu’à ton âge je pourrai en faire autant : je signe…“. Pas besoin de signer : faites régulièrement du sport, ayez de la curiosité et des projets et vous glisserez tranquillement dans l’âge avec sérénité.

Vieux : j’assume !…

J’adore, sans aucune nostalgie, rouler parfois sur ma vieille randonneuse des années 70 : c’est pour moi un “étalon de mesure”, qui me permet de constater les progrès réalisés dans le monde du vélo. J’apprécie tout autant les vélos “High Tech” actuels, comme le All Road Giant Defy, sur lequel j’ai roulé récemment. Un pied dans le passé de mes souvenirs et la tête dans ce que je fais aujourd’hui et ce que je vais faire demain.

Vieux
C’est un vélo lourd, qui une fois lancé, devient un complice extraordinaire – photo Bike Café

En dehors de Bike Café qui appartient à une équipe, mais auquel je reste attaché, je participe à des projets comme celui des Bacchantes à vélo, qui me révèle encore plus qu’être vieux est un malaise social. En montant cette opération caritative, j’ai senti la réticence des sociétés du monde du vélo que je sollicitais pour communiquer sur ce sujet délicat. En fait, sans le dire, elles n’avaient pas envie de se voir associées à une cause de “vieux”, même si elle est légitime. Je ne les condamne pas, elles se conforment à la tendance générale. Parler de maladies masculines corrélées à l’âge, ce n’est pas vendeur, d’autant que les hommes eux-mêmes considèrent le sujet comme tabou. Heureusement, certaines marques ont soutenu notre projet avec l’aide de généreux donateurs, malgré un contexte financier difficile et je les remercie.

En parler sans Tabou

Ce mot Tabou résonne un peu dans ma vie de vieux… Avec les Bacchantes à vélo, nous voulons justement nous attaquer au tabou des maladies masculines. Il m’a rappelé l’émission de télé à laquelle j’ai participé en 2013 : “Sans Tabou” sur la chaine 25. Mis à part quelques clichés, voulus par le réalisateur pour satisfaire son audience, j’ai pu exprimer dans ce sujet ce qu’a été ma vie de retraité actif. Âgé de 65 ans à l’époque, nous avions créé avec Eric Thouvenin un blog dédié à l’outdoor qui a tenu pendant 4 ans. On y parlait déjà de vélo et il a été le tremplin de Bike Café.

Extrait de Sans Tabou émission de TV en 2013

Alors explorons ensemble cette zone de vie que certains voudraient rendre obscure. N’ayons pas peur de nous mettre en lumière en disant, comme l’écrit le magazine Vieux : “J’assume”. Tant pis pour nos rides, nos cheveux blancs et nos jambes qui ont perdu des watts. Imaginons des projets à notre portée, qui nous rendront heureux et qui seront peut-être même utiles à la société. Vivez au maximum votre bonheur de rouler à vélo.

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Patrick
Patrick
Patrick Van Den Bossche a créé les blogs Running Café, Track & News, puis Bike Café. Curieux invétéré, dénicheur de tendances, il adore mettre en lumière les personnalités et les anonymes du petit monde du vélo. Il collabore régulièrement à la revue Cyclist France et affectionne les vieux vélos et la tendance "vintage". Depuis sa découverte du gravel bike en 2015, il s'adonne régulièrement à des sorties sur route et sur chemins autour de la Sainte-Victoire.

10 COMMENTAIRES

  1. Bonjour
    J’ai 77 ans et fier de l’être…que je suis. Et je roule dans le Var et participe à des randonnées locales ou extérieures au département quand l’occasion s’en présente. Récemment début juin j’ai participé à la Très Nacions en Espagne, 140 km, 2200m de D+ avec passage de l’Envalira. J’ai terminé 1875 sur 1876 finisher sous les applaudissements. Nous étions 2200 environ au départ.
    Sportivement
    Francis

  2. tout a fait d’accord avec cet article. le temps passe mais j’améliore encore mes chronos sur des cyclo de référence. Je progresse, même si c’est chaotique, je m’amuse et prends du plaisir. certes, les cheveux sont blancs et le temps passe, je ne suis pas dupe. et alors ?

  3. LIBRE, IMPARFAIT et HEUREUX et vieux au sens où la société vous classe dans les seniors passés la cinquantaine.
    Salut à tous les cheveux gris qui pédalent encore et apprécient le silence, le vent et l’effort encore un petit peu.

  4. 61 ans et avec un pêche de feu. Sur mon vélo, en me surprenant de jour en jour, en faisant des sorties de plus en plus longues, la dernière 166 kms jusqu’à Clermont Ferrand. Même les chronos sont de mieux en mieux, comme quoi être vieux ne veut rien dire. Bises à tous les cyclos

  5. Je viens d’avoir 71 ans et ça ne m’empêche pas de continuer à m’amuser en vélo … et dans des randos montagne.
    En juillet, j’ai roulé une semaine avec des jeunes de 40 ans et un peu plus, en dévalant les pistes de la Mégavalanche de l’Alpe d’Huez avec mon VTT enduro, entrecoupé de petites périodes de repos .. pour pouvoir gravir le col de la croix de fer avec mon gravel.
    Certes, je me fais doubler, je ne monte plus aussi vite, je ne saute plus bien haut …. et alors !? … aucune importance, je prends mon pied.
    Et ce qui est extraordinaire, c’est que j’ai encore plein de défis et de projets en tête …
    Roulons, marchons, sans se soucier … c’est ce qui entretient notre corps mais aussi notre mental pour éviter de tomber dans la vieillesse dégénérante.

  6. Tu es une nouvelle fois un porte-voix qui sait trouver les mots. Je viens juste de me rendre compte que je peux depuis quelques mois bénéficier de tarifs “séniors” à la SNCF donc je peux dire que j’en suis, désormais. Cependant, je ne me sens pas vieux. Je me rends compte que je prends plus de distance sur plein de sujets et je crois que c’est un signe que j’avance en âge, mais sans que cela fasse de moi un vieux dans la tête.
    En fait, j’accepte qu’à différentes périodes de la vie, on ne recherche pas forcément la même chose. Donc, j’assume mon parcours perso. Certaines choses me faisaient vibrer avant et plus maintenant. Normal que mes enfants ne vibrent pas comme moi. Tant mieux (et je les admire souvent, sans les envier ni vouloir faire comme eux, ou regretter de ne pas pouvoir le faire).
    Par rapport aux marques, permets-moi d’exprimer un peu de désaccord avec toi. Il me semble normal que les marques ne communiquent pas spécifiquement sur la cible séniors, même quand ceux-ci représentent un segment très important. En effet, je ne suis pas certain que nous-mêmes recherchions particulièrement à être identifiés comme vieux, même si nous savons pertinemment que nous en faisons partie. Donc perso, ça ne me dérange pas de voir les marques communiquer avec des “modèles” plus jeunes. Je suis plus gêné par les modes et les stéréotypes (comme le barbu rasé et tatoué pour le gravel) ressassés et usés jusqu’à la corde, alors que les pratiques sont très largement adoptées par tous styles de personnes (hommes comme femmes).
    Et ce qui me gêne le plus c’est d’être classé comme vieux quand j’exprime des réserves sur certaines tendances actuelles alors que je suis très technophile (curieux et à l’écoute de nouvelles manières de faire) mais en restant toujours vigilant à comprendre si les bénéfices des nouveautés sont réels et ont un bilan avantages/inconvénients positifs. C’est dans ces moments-là que je sens des préjugés liés à mon âge. En exprimant les mêmes réserves et en ayant moins d’années au compteur, on m’écouterait différemment.
    Finalement,n ce qui me dérange le plus

    • Merci mon cher Vince de ce retour … Je ne reproche pas aux marques de présenter leurs produits grâce à des modèles athlétiques, c’est le côté exclusif, cliché, … qui me gène. On en vient aux mêmes dérives que les pubs pour les fuites urinaires, la minceur, les protéines, les voitures,… Disons que des images où l’on verrait des quinquas sportifs, dans un groupe ou seuls de temps en temps, seraient plus équilibrées. Des VAE sur lesquels il n’y aurait pas ques des jeunes la plupart sveltes et sportifs en apparence. Mais tout ça c’est du détail et c’était pour moi l’occasion de caricaturer le monde de la pub et celui du vélo que je trouve de moins en moins créatif. Cette réflexion « L’idéologie du progrès de la performance et de l’efficacité productive rejette les personnes âgées dans le camp des inutiles », m’a frappé … Tu remplaces le mot “âgées” par ceux qui contestent certaines “tendances” actuelles et du coup, cette idéologie se légitime par l’âge. Ils sont trop vieux pour comprendre 😉 Comprendre la société, son évolution et ses dérives n’est pas exclusif à une tranche d’âge. Le vélo est social et rarement présenté comme tel.

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