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Comme un lundi : mon vélo, ma bataille

Chaque semaine, un billet d’humeur par un·e de nos rédacteur·ice. Aujourd’hui : Anne Fontanesi

Tu le savais ? Aujourd’hui lundi 25 novembre, c’est la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes.
Le vélo peut dégommer cette injustice monumentale ? Probablement pas.
Mais sous cette grosse affaire de violences qu’on médiatise une fois par an, histoire de calmer les consciences, il y a tout un bordel bien infusé dans nos sociétés. Des injustices qui se faufilent dans chaque interstice de nos vies, planquées dans les plis du quotidien. Elles sont là, partout. Au taf, dans les familles, entre potes, sur les réseaux. Racisme rampant, harcèlement moral ou sexuel, humiliations banales, violences routières, oppressions systémiques. Une longue liste qui pue le pouvoir mal digéré.
Alors, le vélo dans tout ça ? Et bien des fois, il fait péter quelques verrous, éclaire des zones sombres, et met en branle des résistances minuscules. Qui pourraient devenir grandes ? J’en sais rien. Parfois, c’est juste une manière de dire non.

Alexandera Houchin, amérindienne, universitaire, et détentrice du record du Tour Divide en singlespeed – photo DR / Cycling Museum Of Minnesota

Avec du concret, tu verrais mieux de quoi je parle ? Juste avant les élections aux States, Dan de Rosilles a balancé un édito qui parle de la Ovarian Psycos Bicycle Brigade. Une meute de féministes latinas qui dévalent les rues de l’Eastside à Los Angeles.
À vélo, elles se réapproprient l’espace. Elles affrontent le racisme, les violences dans leurs rues et se battent pour les communautés précaires. Les Ovas, comme elles se surnomment, transforment le vélo en arme, en étendard. Clairement, elles n’attendent pas qu’on leur tende la main. Elles prennent.

Affiche de “Les Échappées”, un film sur le cyclisme au féminin de 2021 par Louise Roussel, Océane Le Pape et Thomas Schira

En France, dans le même état d’esprit, il y a Les Déchainé·e·s à Marseille. C’est un collectif cycloféministe, fondé en 2020, qui rassemble des personnes de pluralité de genres qui pédalent et qui ont souhaité se fédérer pour se réapproprier la pratique du vélo, de l’espace public face à une société bien trop patriarcale pour être honnête, soit dit en passant. Et elles ont rédigé un manifeste qui explique qui elles sont et qui elles défendent. C’est stylé.

Capture d’écran du flux Instagram Les Déchainé·e·s

Au rayon des rayons, il y a la London Bike Kitchen qui organise des ateliers de mécanique en non-mixité choisie. Des ateliers animés par des femmes, pour des femmes ou des personnes non genrées. Pourquoi ? Parce qu’un gars qui t’explique en te regardant de haut, on connaît.
Là, on déconstruit le schéma, on apprend sans le poids du jugement, on reprend du terrain sur les complexes d’infériorité. Bref, c’est punk, et ça marche.

Jenni Gwiazdowski (à d.), la créatrice de la London Bike Kitchen – photo DR / site web LBK

Paillettes et Cambouis bricole le même genre de trucs à Paris. Vélo, fêtes et autogestion en sous-titre. En ouvrant un atelier vélo participatif et solidaire rue Blache dans le 10ème, iels militent pour une société inclusive, écologique, solidaire, participative, en utilisant le vélo, la mixité choisie et la fête comme armes politiques et travaillent à l’émancipation de chacun·e grâce au vélo et à l’apprentissage de la mécanique, l’usage du vélo comme moyen de mobilité, de créativité et de loisirs.
Là aussi, iels ont décidé de pratiquer la transmission horizontale des savoirs-faire, sans surplomb.

Paillettes et Cambouis, un atelier participatif et inclusif – photo Alexandra Cordebard

On retourne chez les Anglo-saxons ? The Adventure Syndicate, c’est des nanas qui déchirent à vélo pour pousser d’autres femmes à briser leurs propres chaînes. Ateliers d’écriture, podcasts, films, événements, camps d’entraînement. Tout pour dire : « T’as plus de force que tu crois. Bouge. » Elles ne se contentent pas d’inspirer. Elles donnent des outils pour que ça roule, au sens propre comme au figuré.

Deux aventurières du Adventure Syndicate – photo DR / site web The Adventure Syndicate

Et pour essayer, on peut s’inscrire à quoi ? En Espagne par exemple, Transiberica, un organisateur de courses d’ultra-distance, a capté que trop peu de femmes osaient se lancer. Du coup, en mai prochain, ils organisent leur Women Cycling Camp 2025. L’idée : réunir des femmes, encadrées par des championnes, pour qu’elles testent leurs limites, chopent la confiance, et se disent que l’ultra-distance, c’est aussi pour elles.
Moi ? J’y serai. Pas pour jouer les héroïnes, mais pour vivre ça, et raconter l’histoire sur Bike Café bien sûr !

Solidarité et partage d’expériences au Women Cycling Camp 2024 de Transiberica – photo DR / site web Transiberica

Et toi, tu fais quoi ? On n’a pas toutes une brigade féministe ou un camp d’entraînement sous la main. Mais ce qu’on peut faire, c’est prendre conscience des petites violences qu’on perpétue sans y penser. Et puis, monter en selle, pédaler jusqu’à ce que le poids des conneries lâche prise. Franchement, y a pire comme thérapie.




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Anne Fontanesi
Anne Fontanesihttps://www.strava.com/athletes/5956835
Anne Fontanesi aime le pignon fixe, les aventures à vélo sur route et sur chemins et le VTT 26" tout rigide. Mais ce qu’elle préfère, c’est les pique-nique dans les Alpilles et les petits restaurants italiens. Lorsqu’elle n’est pas en tournée à Taïwan avec des danseurs contemporains, elle anime à Arles un club de cyclisme féminin sur Strava : « Nénettes & Cassettes » mais apprécie aussi de rouler avec les garçons, pour peu qu’ils soient élégants, spirituels et sportifs accomplis.

3 COMMENTAIRES

  1. “Et toi, tu fais quoi ? On n’a pas toutes une brigade féministe ou un camp d’entraînement sous la main. Mais ce qu’on peut faire, c’est prendre conscience des petites violences qu’on perpétue sans y penser.”

    Franchement, je ne me sens pas du tout concerné.

    Le ton de l’article, avec tutoiement de rigueur, mise en cause du simple fait que je sois un homme et injonctions sexiste (“Parce qu’un gars qui t’explique en te regardant de haut, on connaît.”), je ne suis pas sûr que ça aide.
    C’est sûr, il est dans l’air du temps : agressivité, pronoms qu’il faut relire pour comprendre, “déconstruction”. Perso, je n’ai pas franchement l’impression que cela contribue à aller dans le sens d’une société apaisée, sobre, dépassionnée. Faut-il tout politiser, avec comme conséquence de cliver, pour avancer ? En tant que cycliste, je suis de plus en plus souvent agressé car associé à une frange militante très active politiquement qui fait croire à de plus en plus de monde que “tout est politique” (y compris, donc, le vélo).

    De grâce, calmons le jeu. Encourageons les filles à rouler sans forcément en faire un acte militant. Ma belle-fille s’est mise au vélo et au bike-packing solo en autonomie et je suis le premier à l’encourager, à la féliciter pour sa traversée Alpilles – Savoie en 3 jours, en traçant son propre itinéraire. Je suis fier d’elle. C’est vrai qu’elle a dû franchir un mur qu’elle avait en elle. Je ne conteste pas ce frein issu des représentations sociales, de l’éducation etc. Mais la solution, elle l’a trouvée en elle (je ne sais même pas comment, du reste). Son mari, moi-même, ma femme, l’avons encouragée et à la marge, aidée par des petits conseils (qu’elle avait sollicités). Elle conserve 100% du crédit de la réussite du défi qu’elle s’était lancé et qui lui a donné l’envie d’en relever d’autres. Réjouissons-nous-en, sans besoin de culpabiliser qui que ce soit, de dénoncer, de “renverser la table”, d’en faire un acte politique.

    Est-ce que ce genre de billet est le prix à payer pour exister médiatiquement, pour avoir l’impression de “faire quelque chose” ou d’être quelqu’un (quelqu’une??) ?

    Pas très politiquement correct mon post, mais sincère.

  2. Pour répondre à Vince, le “combat” féministe est forcément politique et sociétal. Il n’est qu’à se référer au procès des “viols de Mazan” pour se rendre compte qu’il y a encore un sacré bout de chemin à parcourir pour les femmes. Alors, une société apaisée on est sûrement très nombreux à en rêver, mais l’apaisement passe parfois par un bon coup de poing sur la table.

    • En gros, donc, la solution consisterait à combattre la violence par la violence, … tout en prétendant qu’on préférerait que ça ne soit pas le cas (quel sophisme!).
      Skipper, je ne suis pas d’accord avec vous et l’exemple que vous prenez est parfait pour illustrer ce que je pense : les infamies des “viols de Mazan” sont efficacement dénoncées et combattues, non par les coups de poings sur la table d’une femme mais par son courage, sa force, sa dignité, qui se manifestent dans un cadre institutionnel et démocratique : celui de la justice d’un état de droit, même imparfaite. Selon moi, c’est cela (avec le rôle de la (bonne) presse autour de ce qui se passe dans le prétoire) qui permet de faire progresser les choses dans la société ; ce que vous appelez le combat sociétal et politique. Plutôt que les aboiements.
      Mais je sais, je suis un incorrigible passéiste. “Nous vivons une époque moderne” disait P. Meyer.
      Merci tout de même pour votre réponse.

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