Olivier Haralambon récidive. Après son magnifique « Coureur et son ombre », l’auteur nous propose aujourd’hui une série de 12 portraits de coureurs, dans son dernier ouvrage « Mes coureurs imaginaires ». Les deux livres sont publiés chez Premier Parallèle.
Le choix du nombre ne peut être le fait du hasard : 12, comme les Travaux d’Hercules, comme les apôtres, comme les mois d’une année. « Le nombre 12 représente ce qui est achevé, harmonieux, forme un tout et parfait », ce n’est pas moi qui le dit, mais les études anagogiques de ce nombre (*).
Encore une fois, l’auteur se fait l’apôtre de cette population particulière que sont les coureurs cyclistes. Il en dresse des portraits soignés, en fin connaisseur de ce qui se passe dans le peloton. Le peloton est une famille, forme un tout et pourtant chaque coureur, coureuse est unique. Chacun(e) son histoire, ses motivations, ses raisons d’être sur ce vélo.
Le vélo pourrait être une religion, comme une excuse pour ne pas aller à la messe le dimanche matin, pour lui préférer la sortie cyclo dominicale. Dans ce livre, tel un évangile, les références à la religion y sont omniprésentes, dans chacun des portraits ;
- “Si tout conspire à me montrer en lui, ce champion cycliste dans son nuage de pavés, un avatar du Christ ressuscité” ;
- “C’est presque comme si là-dessous, dans tous les cadres de verre, dans la trame synthétique de ces espèces de suaires dérisoires et profanes, étouffaient encore leurs peaux” ;
- Si son adolescent de 13 ou 14 ans, pour qui “descendre de vélo est un réveil qui le tue brièvement” alors peut-être le fait de monter sur son vélo le ressuscite définitivement.
L’auteur tire douze portraits, de champions reconvertis et déchus, de championnes en devenir. Il nous parle de leurs moteurs, leurs motivations, leurs guides spirituels, leurs petits “gri-gri” et leur grandes croyances. Douze portraits qui forment un tout, qui forment un peloton dans lequel à défaut de pouvoir s’y glisser chacun et chacune pourra se reconnaître.
L’auteur aime sincèrement et profondément le vélo, en tant qu’ancien coureur professionnel, il pose un regard attendri et averti sur ce milieu qu’il a connu.
Que vous soyez coureurs ou coureuses ou plus humblement cyclistes du dimanche ou du mardi, vous vous reconnaîtrez ici ou là. Que vous soyez cul-béni ou même agnostique, ce livre devrait vous parler et vous plaire.
Le coureur que je préfère dans le tableau de Olivier Haralambon est une coureuse. Celle qui roule sur les traces de son père, comme pour relever un défi. Celle qui refuse le statu quo et qui le bouscule : “La course cycliste est une religion d’hommes. Une liturgie virile.“
Plongez-vous sans retenue dans ce livre, un livre magnifiquement écrit. Un livre juste, précis, enchanteur. Un livre païen que vous pouvez lire pieusement. Mais n’oubliez pas à nouveau votre dictionnaire, l’auteur érudit, ne peut s’empêcher de glisser un mot (ou deux) inconnus (pour le profane que je suis) toutes les deux pages. Qu’il en soit pardonné, fidex est creatix divinitatis, “La justification par la foi, n’est-ce pas ce que nous sommes supposés incarner nous les sportifs ? Croire en soi, ou créer son Dieu“
Bonne lecture et bonne route
*j’aime particulièrement la symbolique du nombre douze chez les Sioux
Informations
- Titre : Mes coureurs imaginaires
- Auteur(s) :Olivier Haralambon
- Editeur : Premier Parallèl
- Site web éditeur : http://www.premierparallele.fr/livre/mes-coureurs-imaginaires
- Nombre de pages : 160 pages / 2h30
- ISBN : 978-2-85061-001-1
- Date de publication : 9 mai 2019
- Prix TTC : 16 € en numérique 9.99 €
Pitch de l’éditeur
Il s’est entiché de son vélo comme on s’attache à une machine, et il s’entraîne non pas pour gagner, mais pour stagner : s’étant bâti de muscle, pour rester cet ouvrier qu’il aurait dû être. Ou il est un champion moderne. Il s’entraîne selon les méthodes et la morale de son époque, il communique adroitement sur les réseaux sociaux et soigne son image. Champion, il est aussi ce corps qui passe dans la foule, et qui ne fait que passer, objet d’un désir impossible. Il prend sa retraite et se reconvertit dans une existence forcément plus ordinaire. Alors il regarde ses vieux maillots comme ses propres reliques, comme l’évocation sacrée de celui qu’il n’est plus. »
Ils sont au nombre de douze. Douze cyclistes, en selle ou non, jeunes ou retraités, glorieux ou las, champions modernes gérant leur image sur les réseaux sociaux, anciennes vedettes caressant le maillot de leurs victoires passées, hommes – et quelques femmes – pédalant pour une raison qu’ils ignorent parfois eux-mêmes.
Certains reconnaîtront dans ces croquis quelques personnalités du cyclisme. Les autres y trouveront des fils, des pères, des amants, et le vertige de la littérature.
À propos de l’auteur
Olivier Haralambon parle de son livre
Né en 1967, Olivier Haralambon est écrivain, philosophe et ancien coureur. Son roman, Le Versant féroce de la joie (Alma, 2014) a été salué par la critique. Avec Le Coureur et son ombre, essai littéraire consacré à la course cycliste, il s’impose comme un écrivain important de sa génération.