Un bon « Équipier »est-ce un Leader en devenir ?
Ce n’est pas de ma faute, ni même celle de Grégory Nicolas, mais il est amusant (peut-être même visionnaire ?) de publier un livre en hommage aux équipiers, quand le tout récent vainqueur du Giro 2019, en est justement un. Amusant aussi, de finir ce livre le jour de la victoire de Richard Carapaz (mais c’est qui au fait Richard Carapaz ?). Pour en savoir un peu plus sur son parcours, un joli billet, proposé ici, sur Libé, écrit par Pierre Carrey (auteur du livre Giro, La course la plus dure du monde dans le plus beau pays du monde, paru chez Hugo Sport. Livre qui est déjà sur ma table de chevet). À en croire le palmarès des derniers Tours, les équipiers jouent des tours à leur leader.
Le goût de la compétition …
Rien à faire, j’ai beau essayer, je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à retenir, visualiser, enregistrer, à nommer les acteurs du cyclisme professionnel présent ou passé. Je n’arrive pas à garder dans les mailles du filet de mon cerveau (troué donc) les noms des équipes, les noms de cols qui ont fait et qui font la légende du Tour, du Giro, des Classiques. Qui font la saveur et l’histoire du cyclisme. Pourtant je m’y intéresse. J’essaye de me construire cette culture du cyclisme professionnel, souvenez-vous, mon billet sur le livre de François Paoletti « Miroir du Tour ».
Cyclisme ou Rugby ou tennis ou Football professionnel même constat ! Demandez-moi de citer 10 noms de joueurs de l’Équipe de France de Foot championne du Monde en 2018. À part les têtes d’affiche, pas grand-chose ne sortira de ma bouche. Demandez-moi de citer dans quel club jouent respectivement les quelques noms que je serais capable de sortir, idem, un silence assourdissant retentira. J’essaye, mais ça ne rentre pas, la méthode ne doit pas être la bonne. À moins que dans le fond, ça ne m’intéresse pas plus que ça (je me rassure comme je peux).
C’est donc avec une pointe d’appréhension, que je me mets à lire le livre de Grégory Nicolas, ÉQUIPIERS paru chez Hugo Sport (encore !). Dans le pitch de l’éditeur je peux lire « À bloc dans la roue de Geoffrey Soupe », « l’émotion du champion de France Anthony Roux […] celle d’Axel Domont après sa chute ». De parfaits inconnus pour moi. Autant vous dire que, pour reprendre le pitch de l’éditeur, je m’apprête à lire « un récit intime […] de ces hommes formidables ». Je vous avoue, je ne suis pas certain d’être tout à fait prêt, prêt à partager mon intimité avec ces inconnus, d’autant qu’il est probable, que je lise ce livre, moi-même en étant nu comme un ver dans mon lit (oui, je dors nu (oui, quand je lis, le soir dans mon lit, je lis nu)).
Les premières pages du livre sont difficiles à franchir. Sans faire offense à l’auteur Grégory Nicolas, je passe sans transition du livre d’Olivier Haralambon à ce livre Équipiers. Quand Olivier Haralambon nous emmène avec brio et finesse dans un voyage imaginaire, où justement, chacun(e) peut se laisser aller à penser et rêver, Grégory nous propose un voyage plus terre à terre, avec un style moins enlevé, mais finalement plus humain. Après quelques chapitres, la magie opère, je déroule ce livre sur le grand braquet, je prends plaisir à découvrir les coulisses des équipes, de la vie de ces sportifs de haut-niveau, à comprendre leur sens du sacrifice, à découvrir aussi et surtout le travail de l’équipe au service du plus fort. Ce livre, sans surprise, est un bel hommage aux hommes et quelques femmes de l’ombre, celles et ceux qui font briller leur leader. Je me prends aussi à me rappeler le plaisir que je ressens quand le samedi ou le dimanche, mes potes se cachent derrière mon gros quintal sur les parties roulantes de notre sortie (j’ai plutôt un profil de rouleur). J’ai un vrai plaisir à les emmener bon train, et je ne suis même pas frustré de les voir filer comme des anguilles au pied de la première bosse. Quand je suis, comme “aspiré vers l’arrière”, m’empêchant de gravir cette bosse avec élégance et vivacité. Ils (elles) filent pour m’attendre un peu plus haut. Je me prends donc à m’imaginer tel un bon équipier au sein de la FDJ. Je n’aurais pas pu être un leader d’équipe à vélo, je n’ai ni le physique ni le mental pour cela (ou l’inverse, faut que j’en parle à ma psy). J’aurais potentiellement pu être le dernier lanceur, sur une étape de plaine, ou mieux une étape en descente. Et puis, je me rassure comme je peux, l’anorexie du coureur relatée dans ce livre, c’est certain elle ne passera pas par moi.
Le cyclisme est le plus collectif des sports individuels
Équipiers, nous fait comprendre, pour ceux qui ne le savaient pas, que le cyclisme est le plus collectif des sports individuels. Probablement aussi, l’un des sports les plus durs qu’il soit. Le champion ne peut briller, ne peut franchir la ligne d’arrivée le premier sans être encore plus brillamment entouré de toute son équipe. Pour reprendre une métaphore sportive, Romain Bardet, Warren Barguil, Peter Sagan sont les ailiers flamboyants d’une belle équipe de Rugby, ceux qui aplatissent en terre promise mais aussi ceux qui parachèvent une œuvre commencée depuis la première seconde du match par le paquet d’avants. Les avants pilonnent, fatiguent, usent les adversaires. Ils créent les brèches, ils ouvrent la voie. Voie, que les finisseurs n’ont plus qu’à emprunter. Les avants, il ne faut jamais l’oublier ont aussi à cœur de protéger leurs ¾, ils se sacrifient au sens propre comme au figuré. Les équipiers font de même et à la lecture de ce livre, ils le font avec plaisir et abnégation, même si, quand l’occasion se présente, ils n’hésitent pas à tenter leur chance (Geraint Thomas ou Richard Carapaz sont là pour nous le rappeler), non pour le quart d’heure de gloire (quoique ?) mais pour la joie de connaître l’adrénaline que procure une arrivée en tête (et les contrats mirifiques qui suivront).
Je vous le disais, j’ai lu le cœur du livre, d’une traite, avec plaisir et curiosité. J’avoue avoir eu plus de mal sur la fin, quand l’auteur partage le quotidien de l’Équipe de France qui se présente à Innsbruck pour les championnats du Monde. On sent l’auteur dans ses petits souliers, comme un enfant qui vit un rêve éveillé. Malheureusement, l’écriture de ces chapitres est plus convenue. Cette expérience est probablement fabuleuse à vivre pour Gregory mais le récit de la plongée dans le quotidien de cette équipe n’est certainement pas à la hauteur des émotions vécues par Grégory, trop de « ronron », trop de « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » à mon goût. Et une victoire d’un Français à cette épreuve n’aurait probablement pas changé grand-chose.
Ce n’est qu’un détail, finalement, cette plongée au milieu des acteurs du cyclisme vous promet de passer un bon moment. Certains vieux loups des pelotons vous diront qu’ils n’apprendront pas grand-chose du travail de l’équipe en lisant ce livre. Ceux-là devraient tout de même s’y attarder. L’histoire des équipiers est finalement assez proche de ce que vous pouvez vivre lors de vos sorties avec les copains, copines. Équipiers, l’air de rien parle de relations humaines, de la comédie humaine, que vous soyez cyclistes averti(e)s ou convaincu(e)s. Que vous soyez membre d’une équipe de Rugby ou associé(e) dans un projet professionnel.
Aussi, avant ou après la lecture de ce livre Équipiers, pour celles et ceux qui ne l’ont pas fait, vous pouvez aussi lire la petite femelle de Philippe Jaenada et tenter de trouver comment Grégory s’est inspiré malicieusement de l’art de la digression de cet auteur.
Bonne lecture et n’oubliez pas, un mauvais leader ne peut avoir un bon équipier, au risque de se retrouver l’équipier de l’équipier devenu leader. Chris, tu confirmes ?
Informations
- Titre : Équipiers
- Auteur(s) : Grégory Nicolas – Préface de Romain Bardet et Clément Chevrier
- Editeur : Hugo Sport
- Site web éditeur :http://www.hugoetcie.fr/livres/equipiers/
- Nombre de pages :
- ISBN : 9782755650778
- Date de publication : 6 juin 2019
- Prix TTC : papier 17,50 € – numérique 12,99 €
Pitch de l’éditeur
Embarquez au sein de l’équipe de France de cyclisme au championnat du monde d’Innsbruck. Invitez-vous au mariage de Pierre Rolland. Entrez dans la cuisine de Perrig Quéméneur. Visitez des caves avec Romain Bardet. Prenez Cyrille Guimard dans vos bras au moment où il fond en larmes. Frissonnez en plein sprint, à bloc dans la roue de Geoffrey Soupe. Déboulez sur le vélodrome de Roubaix avec les frères Turgis. Partagez l’émotion du champion de France Anthony Roux quand il parle de son père, celle d’Axel Domont après sa chute sur le Tour de France. Éclatez de rire avec Julian Alaphilippe. Laissez-vous chambrer par Tony Gallopin. Prenez un verre de Morgon avec Clément Chevrier, et puis un autre, et puis encore un autre. Écoutez battre le coeur du peloton…
À la fois récit intime, fresque glorieuse, road-trip pop et déclaration d’amour au cyclisme, Équipiers raconte la vie de ces hommes formidables qui, un jour, ont renoncé à lever les bras pour se mettre au service d’un autre : leur leader.