Comme promis dans le billet qui évoque ma lecture d’Equipiers écrit par Grégory Nicolas, il est temps de vous parler de ce livre Giro – La course la plus dure du Monde dans le plus beau pays du monde – écrit par Pierre Carrey, paru aux éditions Hugo Sport.
Ce livre conte brillamment un siècle d’histoire. En effet, l’auteur prend le soin de contextualiser systématiquement le Giro, dans son époque. Il nous emmène donc, pour une longue narration d’un siècle de vélo, mais plus largement pour un siècle d’histoire de l’Italie et de l’Europe. On peut même ajouter le monde également quand, par exemple, le directeur de Course demande au président du Conseil, Silvio Berlusconi, de contacter le Président Bush, pour user de son influence afin de faire venir un Lance Armstrong de retour du purgatoire.
Cette course cycliste qu’est Le Giro, prend très rapidement une ampleur et une importance qui dépassent la simple course cycliste. Souvent récupéré à des fins politiques (désir d’unification d’un pays, détermination des frontières géographiques de la nation, outil de propagande).
L’auteur nous montre aussi comment cette épreuve sportive sert les désirs mégalos des directeurs successifs, déchaîne les passions des tifosi, attise les tensions entre les coureurs. Grâce au travail de Pierre Carrey, on comprend pourquoi et comment ces mêmes coureurs peuvent être érigés en symboles de régionalisme ou nationalisme, en symbole d’une classe sociale, en symbole d’une confession religieuse. Il nous montre aussi comment la Course ou les Tifosi peuvent faire et défaire un champion, quitte à fermer les yeux sur quelques (de nombreuses même à en croire le récit de Pierre Carrey) irrégularités.
“Le Giro est tout, sauf un Roman à l’eau de Rose”
Evidemment, c’est facile et même tentant, de glisser une telle formule dans un billet traitant du Giro, dit autrement, quelques expressions chocs émaillent l’ambiance qui règne sur les étapes du Giro. florilège :
- “L’Italie pour les vacances, c’est bien. Mais pour la course cycliste je connais des coins plus peinards”
- “Le tour de France est devenu synonyme de rigueur, le tour d’Italie reste synonyme d’épopée.”
- “Le but ultime de la manifestation, sera de montrer à l’univers ce qu’est l’idéal fasciste du sport dont l’unique inspirateur sera le Duce”.
- “Pendant l’entre deux guerres, le Giro est plus important qu’un titre de champion du Monde de l’équipe d’Italie de football, en 1934, l’étape du jour du Giro est en une, le jour où l’Italie soulève le trophée.”
De l’Italie, le pays de la Dolce Vita, l’auteur nous montre un tout autre visage. Une nature et topographie rudes et impitoyables. En 1960, l’organisation inscrit le col de Gavia, dans son programme, à l’époque, un vulgaire chemin muletier, (“les voitures peuvent à peine passer, et si l’une tombait en panne la course serait irrémédiablement bloquée“. L’organisateur ne s’embarrasse pas de ce détail et signe un accord avec sa compagnie d’assurances : “si un véhicule cale en pleine montée, il sera jeté dans le ravin…”) qui côtoient sans broncher les paysages doux et en rondeur de la Toscane, la chaleur et la passion des Italiens. Course de tous les excès, Pierre Carrey nous montre, qu’à part l’état des routes, le Giro n’a pas beaucoup changé en 100 ans. Monsieur Carrey nous livre sans tabou l’histoire de cette épreuve où le fait de course côtoie sans vergogne le fait du Prince. Une course, où même à son ère moderne, les petits arrangements valent mieux que de gros désagréments.
On sent derrière ses écrits un travail colossal (et probablement une culture du cyclisme énorme), que seul un journaliste averti pouvait proposer. À propos de journalisme, on peut aussi s’amuser du sous-titre du livre “La course la plus dure du Monde dans le plus beau pays du monde” formule inventée par le directeur de course Angelo Zomengnan, lui-même journaliste de formation, lui-même n’ayant pas systématiquement remporté le plébiscite des coureurs et autres organismes de régulation comme l’UCI. Formule qui ne fait pas l’unanimité d’ailleurs. Mais cette formule claque et sur un livre comme celui-ci, elle donne envie de le lire.
Pour finir, une fois que vous aurez lu ce livre vous pourrez vous amuser à détourner ce proverbe Danois :
“Qui veut cueillir les roses, ne doit pas en craindre les épines“
en
“Qui veut revêtir le maillot rose ne doit pas en craindre les épines“. Tu m’étonnes !
Informations
- Titre : Giro
- Auteur(s) : Pierre Carrey
- Editeur : Hugo Sport
- Site web éditeur : http://www.hugoetcie.fr/livres/giro/
- Nombre de pages :
- ISBN : 9782755641110
- Date de publication : 25/04/2019
- Prix TTC : Prix papier : 19.95 € Prix numérique : 12.99 €
Pitch de l’éditeur
Coppi. Bartali. Anquetil. Merckx. Hinault. Moser. Fignon. Pantani. Nibali.Dolomites. Stelvio. Etna. Mortirolo. Zoncolan. Le mythe. La poésie. Le voyage. Neige. Tempête. Poussière.
Depuis sa naissance en 1909, le Tour d’Italie célèbre le vélo comme on l’aime, profondément humain, flamboyant, avec ses duels épiques, ses trahisons machiavéliques, ses rebondissements tragiques et comiques. Aucun livre en français n’avait jusque-là tenté d’en percer les secrets. Voici la petite et la grande histoire du Giro.