Chaque semaine, un billet d’humeur par un·e de nos rédacteur·rices. Aujourd’hui, Patrick.
Ce matin, en écoutant France Info, une information me fait dresser l’oreille : la France a perdu sa première place sur le podium des infrastructures routières. « En 2019, la France est passée à la 18ème place du classement mondial du Forum économique mondial, pour la qualité de ses infrastructures routières, après avoir occupé la première place en 2012 », dit le commentateur. Sans avoir été informé avant de cette dégringolade, je constate, dans ma région depuis 2014, une dégradation de nos routes. Le « nid de poule » est la fausse belle image d’une réalité qui l’est beaucoup moins. On n’y trouve pas des œufs frais couchés sur la paille, mais des crevaisons ou pire parfois : une chute, ou encore un écart fatal au moment d’un dépassement par le véhicule d’un “frotteur”.
Lorsque qu’on se déplace sur nos routes françaises, on pourra emprunter une route nationale, gérée par un organisme décentré dépendant de l’État. Sans le savoir, on passera sur une départementale, gérée par les conseils départementaux et enfin, si on en sort indemne, on arrivera sur une route communale, qui comme son nom l’indique, est gérée par la commune. Pour les cyclistes, c’est souvent la qualité du revêtement qui nous indique qu’il est – ou pas – sous responsabilité départementale. Ce manque de transversalité dans la gestion est une partie du problème.
Alors bien sûr, le drame parisien de la mort du jeune Paul Varry a braqué les projecteurs sur les violences entre les usagers de cette route. Une mission placée sous l’autorité d’Emmanuel Barbe a été nommée avec notamment cet objet : « Dans le contexte d’une diversification des modes de mobilités, cette mission a pour objet de proposer au gouvernement des mesures nouvelles pour réduire les conflits d’usage et les comportements agressifs liés au partage de la voie publique et de manière générale pour apaiser les relations entre usagers et mieux protéger notamment des plus vulnérables d’entre eux, piétons et usagers de modes doux, en milieu urbain comme en dehors des agglomérations. » On renvoie face à face ceux qui seraient en cause. J’aimerais que dans ce débat sur l’accidentologie routière on intègre aussi la causalité du déclin de nos routes qui nous a fait perdre cette première place. L’utilisation des chiffres est le support d’arguments manipulables pour celui qui veut faire passer un message. Celui de ce classement est symbolique car les écarts affichés sont faibles, j’en conviens : 6,5 pour le premier Singapour et 5,5 pour la France, notés sur 7. Certes, il ne s’agit que d’une note et je ne souhaite pas y attacher trop d’importance, mais tout de même, on était premier avant !
D’autres commentaires, sur les chiffres de la sécurité routière, m’ont perturbé dernièrement. En effet, l’annonce des chiffres de l’ONISR (Office National Interministériel de la Sécurité Routière) qui ont démontré une certaine stabilité, ont été considérés comme un succès relatif. « Le bilan de la sécurité routière pour 2024 montre une stabilité globale de la mortalité routière, y compris pour les cyclistes ». La reprise de l’information par la presse est difficile à entendre pour les victimes, qui auront du mal à se satisfaire du mot stabilité. Il me gêne aussi, surtout quand il est complété de commentaires avisés, portant sur l’accroissement de l’usage du vélo qui aurait pu aggraver ce bilan. Entre les lignes que j’ai pu lire, je perçois : soyez rassurés, ça aurait pu être pire. Derrière ces statistiques « ombrelle » d’un certain fatalisme, je pense à la lenteur des mesures qui pourraient être mises en place pour faire baisser ces chiffres qui rendent impersonnels des drames humains. Les infrastructures en font partie et comme pour le ferroviaire, il n’y pas que les « grandes lignes » dont il faut s’occuper à coup de milliards.
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