Depuis début novembre, la plupart des grands cols mythiques, recouverts d’une épaisse couche de neige, sont entrés en hibernation jusqu’au printemps prochain. Au grand dam des cyclo-montagnards les plus passionnés pour qui cette période hivernale peut s’avérer longue, voire même difficile … Une sensation de manque compliquée à combler. Car rien ne remplace cet effort intense et cette ivresse de l’altitude, au milieu des alpages et des rocailles, lorsque l’horizon s’élargit et l’oxygène se raréfie …
Bien sûr le gravel permet de passer, sans trop perdre d’adhérence, sur quelques centimètres de neige. J’ai récemment pu l’expérimenter début décembre lorsque des chutes de neige, particulièrement précoces, ont blanchi le massif de l’Étoile, au nord de Marseille. Mes chemins d’entraînement habituels s’étaient alors temporairement transformés en pistes de ski avec des paysages étonnants.
Que deviennent nos cols mythiques en hiver ?
Mais à plus de 2000 m d’altitude, c’est parfois plusieurs mètres de neige qui bloquent l’accès aux cols. Le gravel n’est plus suffisant. Alors il ne reste plus qu’à s’armer de patience et attendre le retour des beaux jours, et la fonte des neiges … Ces 6 à 8 mois de trêve hivernale peuvent sembler interminables aux plus mordus d’entre nous, aux véritables accros de l’effort en altitude.
Bien sûr les plus fortunés pourront éventuellement s’offrir un stage à Lanzarote ou, (pourquoi pas ?), pédaler dans l’hémisphère sud à la découverte des cols argentins de la Cordillère des Andes … Pendant que tous les autres rongent leurs freins, tant bien que mal, espérant juste un printemps précoce…
En fait, bonne nouvelle pour ceux-là, il existe un produit de substitution tout à fait abordable, sorte de palliatif qui permet de trouver l’hiver moins long : le ski nordique sur col mythique …
Et oui, car une fois l’hiver installé certaines routes de montagne sont transformées en piste ski de fond avec des voies pour le pas classique (alternatif) et d’autres pour le skating… C’est par exemple le cas de la piste du plateau des Glières (bien connue de la Résistance) et qui sera bientôt empruntée par le prochain Tour de France, ou bien la route du col Agnel dont 12 km sont damés, balisés et sécurisés chaque année pour atteindre le refuge Agnel (à quelques kilomètres du col et de l’Italie) dans un décor de haute montagne impressionnant (le refuge est à 2580 m d’altitude).
Mais la palme revient sans aucun doute au mythique Izoard dont le versant sud, le plus connu, celui de la Casse Déserte est accessible aux adeptes du ski nordique (et aussi aux raquetteurs) pendant l’hiver dès que les conditions le permettent (ce qui est le cas cette année). Plus la peine de présenter l’Izoard, un col de légende du Tour de France, magnifié par les ascensions / épopées légendaires de Bobet ou le “Mano à Mano” Coppi – Bartali en 1949 … La découverte à la sortie d’un virage puis la traversée de la Casse Déserte sont des expériences cyclistes uniques. On ne peut que se sentir tout petit au milieu de ce décor grandiose, minéral et dolomitique.
Et revisiter cette même route enneigée, à ski de fond, est également un moment magique. Dans le silence de l’hiver la Casse Déserte semble encore plus majestueuse.
Pour y accéder, on chausse les skis à la sortie de Brunissard (dernier hameau du village d’Arvieux) et c’est parti pour 5 km d’une route à plus de 9% de moyenne jusqu’à la Casse Déserte.
C’est un effort très intense surtout quand on est un skieur très occasionnel (avec une technique rudimentaire), qui m’a semblé plus dur à gérer qu’à vélo. Pas facile de trouver le bon rythme et rester en mouvement pour garder une certaine inertie. Très vite les cuisses et les bras brûlent, le cœur s’emballe. A chaque virage j’éprouve le besoin de marquer une pause. Ce qui permet au passage d’admirer la vallée d’Arvieux et les somment qui l’entourent.
Puis après presque une heure d’effort (ce qui prendrait une demi-heure environ à bicyclette), on arrive enfin au belvédère tant attendu.
Lorsque le risque d’avalanche est écarté (la Casse Déserte est un couloir d’avalanche risqué) la piste est même parfois prolongée jusqu’au col. On peut donc traverser la Casse Déserte à ski et s’arrêter près de la stèle Bobet / Coppi.
Difficile donc de se résoudre à quitter cet endroit à la beauté sauvage presque addictive. La descente est beaucoup plus rapide. Les cuisses brûlent un peu à force de faire le chasse neige mais rien à voir avec l’effort de la montée.
Et pour ceux qui ne se sentiraient pas à l’aise sur des skis, il reste la possibilité de redécouvrir cette route mythique en raquettes, voire même à pied si la neige est bien tassée.
En tous cas ce genre de balade permet en effet de trouver l’hiver moins long et de redécouvrir des routes cyclistes légendaires avec un point de vue complètement différent.
Et puis dès le retour des premières chaleurs, il faudra guetter la réouverture des cols après la trêve hivernale. Car franchir des sommets à vélo entre deux « murs » de neige est également une petite aventure en soi, où l’on traverse plusieurs saisons en à peine 2 heures.
Infos pratiques
Pour skier sur la route du col de l’Izoard il faut aller jusqu’au parking du domaine nordique de Brunissard, dernier des hameaux de la commune d’Arvieux dans le Queyras.
Pour éviter de s’attaquer à l’Izoard à froid, il est conseillé de préalablement s’échauffer sur les pistes du domaine skiable nordique (moins pentues et très belles également).
Une fois échauffé, l’Aller-Retour à la Casse Déserte peut se faire en moins de 2 heures, sans pour autant s’appeler Martin Fourcade. Pour pousser jusqu’au col (sachant qu’il est possible que la piste soit fermée au niveau de la casse déserte en fonction du risque d’avalanche) il faut plutôt prévoir une grosse demi-journée de ski (casse-croute conseillé).
Il est possible de louer du matériel (skis pour pas alternatif ou skating) à La Chalp où il y a deux magasins (InterSport sur la gauche et Altitude Sport sur la droite, tenu par un jurassien – personnel pro et très sympa).
Très bel article, très inspirant ! Moi qui n’ai jamais chaussé de ski, ni grimpé l’Izoard, je m’y vois pourtant déjà !
Et le fatbike, c’est pour les Américains ?!