Cela fait maintenant quelques années que nous observons la marque Chiru Bikes, créée par Pierre-Arnaud Le Magnan. Sa particularité tient beaucoup à la personnalité de son créateur qui est à la fois ingénieur, concepteur, mais également “essayeur” de ses propres idées, qu’il teste lui-même sur des terrains pas toujours faciles. Dans le cerveau de cet entrepreneur, il y a à la fois un bureau d’études, un process de fabrication et un protocole d’essai. Ce principe créatif de progrès est relativement efficace, car il pose instantanément les différentes contraintes dès la conception, qui peuvent ainsi évoluer à tout moment sans perte de temps. Le Kegeti, qu’il a utilisé récemment sur un Paris-Béziers, est la version MK4 de ce “monster gravel” qui était pour la circonstance équipé d’options qui sont l’objet d’un test de confirmation sur ce périple.
Après ses aventures sur la French Divide avec le Divider, la Silk Road avec son Kegeti, ainsi qu’en Australie sur la Hunt, Pierre-Arnaud est revenu en France pour tester en compagnie de Yannick Lutz – membre de la Chiru Brigade – chevauchant lui-même un nouveau modèle gravel de la gamme Chiru Bikes qui sera annoncé en 2023. L’objectif de cette trace entre Paris et Béziers était d’évaluer un nouveau cockpit imaginé par Pierre-Arnaud qui, associé à la nouvelle fourche en titane de hauteur 475 mm, devrait apporter à ce Kegeti MK4 légèrement rallongé plus de confort pour le pilote.
Le vélo
Pierre-Arnaud ayant bouclé son périple, est venu à Aix-en-Provence au siège de Bike Café, pour nous présenter le vélo avec lequel il venait de relier Paris à Béziers en 78 heures. Nous avons fait cette petite vidéo pour recueillir ses commentaires à chaud, puisqu’il venait tout juste de débarquer de Béziers pour nous en parler…
Le trip
Le choix de cette trace “bikepacking” a été fait pour rencontrer différents types de surfaces “On a eu à la fois de la route, des sections un peu plus VTT qui se passent bien avec un gravel, d’autres qui se passent un peu moins bien ;-), et pas mal de parties qui se roulaient très bien en gravel…“, nous déclare Pierre-Arnaud. La contrainte était celle du temps, sachant que Yannick devait rentrer à la fin du week-end pour reprendre le boulot.
Première journée
Vendredi matin à minuit quinze, éclairés par le phare de Tour Eiffel, je retrouve Yannick au Trocadero pour une dernière photo avant de nous élancer dans les rues de la capitale. La situation est un peu étrange et contrastée entre nos vélos d’aventure, chargés en mode bikepacking, et la cohue des touristes sur le parvis, par cette belle et chaude soirée d’été. Nous avons convergé Yannick et moi en train vers la capitale, un bonne façon de tester également nos housses de transport, qui seront utiles également pour le retour.
Sur cette partie du parcours relativement plat le long des cours d’eau, les poignées aerobar seront largement utilisées, précise Pierre-Arnaud. Elles sont placées assez haut sur le guidon titane pour obtenir une position sans fatigue avec une bonne vitesse, que l’on pourra tenir plusieurs heures.
L’heure de départ est idéale pour s’éloigner de la capitale sur des routes sans subir la circulation. Arrivés à Cesson nous avons “buté” contre la base de commandement radio de la Marine Nationale, la trace nous guidait en plein centre de cette zone grillagée, interdite bien sûr aux vélos. Une fois remis sur les pistes, nous avons apprécié les qualités de roulage des vélos sur les allées de la forêt, interrompus par la partie rocheuse des fameuses 25 bosses. Quelques rencontres avec du gibier et une chouette qui s’est retrouvée coincée dans les aérobars de Yannick, vont animer cette traversée de la forêt.
Retour à la civilisation à 7h du matin dans un bar où déjà les locaux attaquent la journée avec des verres de blanc. Après quelques cafés, direction Nevers sur des pistes cyclables le long de la Loire. Une belle pause restaurant à la Charité-sur-Loire pour récupérer de notre balade nocturne. Retour pour digérer sur les pistes le long du fleuve où nous croisons pas mal de vélos, constatant au passage le développement en France du mode vacances à vélo. Vers 19h je n’ai pas pu retenir l’envie de me baigner dans l’Allier pour me rafraîchir.
Après avoir quitté les bords de Loire et de l’Allier, nous avons continué jusqu’à 23h, pour une pause à la hauteur de Vichy, dans un petit village sur la terrasse en bois d’un restaurant abritée par un auvent. 6 h de pause et une petite boulangerie ouverte à 6 heures du matin pour le petit déj improvisé…
Deuxième jour
Sur cette partie du parcours le guidon sera utilisé sur toute sa longueur. Les spirgrips peuvent être sollicités pour tirer sur le guidon en montée. Les poignées ergonomiques sont confortables : pas de pression sur la paume de main.
Le profil va changer : route de petite et moyenne montagne pour arriver vers midi dans le Parc des volcans d’Auvergne. La nécessité de recharge des différents outils électroniques et éclairages a obligé les 2 aventuriers à se réfugier dans un endroit en peu trop touristique pour une nouvelle pause. Endroits très jolis avec des bonnes parties du chemin de Compostelle. La moyenne chute par rapport à la première journée roulante. Les vélos sont plus sollicités dans les montées et en pilotage dans les descente. Beaux paysages, de nombreux points d’eau. Ils ont fait quelques arrêts pour contempler cette magnifique région. Un petit arrêt nourriture dans le petit village médiéval de Besse. Après ça remonte encore et ils attaquent le sud de l’Auvergne et le plateau du Cézallier. Superbe coucher de soleil en fin de journée avant d’attaquer une nouvelle partie nocturne.
Descente vers Saint-Flour sur de petites routes et chemins. Dans la ville, malgré l’heure tardive tout est ouvert, on est samedi. On va pouvoir boire un verre et chercher ensuite un endroit pour dormir. On a trouvé une grange remplie de foin et on s’est posé. On a bien dormi au chaud dans cette grange et on est reparti relativement tôt pour enchaîner la suite et trouver un endroit pour boire un bon café.
Troisième jour
Le terrain est plus difficile et plus varié. Le flat bar rehaussé des aérobars va permettre des positions de mains multiples. La fourche en titane de 475 mm joue son rôle dans le confort ressenti. La potence contribue à diminuer les vibrations. Les inserts dans les pneus permettent de rouler en très basse pression en diminuant le risque de crevaison.
La journée commence tôt : on a roulé 2h 30 de nuit. Il faisait très froid on a eu 5°C à 1400 m d’altitude. On voyait la brume qui inondait les vallée et on était au-dessus. On est entré en Occitanie, mais il faisait encore très frais. Là on attaque la traversée de la Margeride nous conduisant vers Mende. Cette région est juste sublime. On a traversé des paysages improbables, on rentrait dans les nuages avec autour de nous des vaches dans les prés. Très belle matinée, mais on a eu pas mal de difficultés à trouver de quoi se restaurer.
On a fini par trouver de quoi nous réchauffer dans un petit village où ils fêtaient la tripaille, une petite fête ayant lieu traditionnellement le 3ème week-end d’août. On a repris le GR et retrouvé quelques pèlerins en route pour Compostelle. On voulait passer dire bonjour à Jean-Philippe, un cycliste que j’ai connu sur la French Divide, il est dans un petit hameau vers les gorges du Tarn, mais on s’est perdu et devant le D+ qu’il fallait faire pour revenir chez lui on a abandonné l’idée. À ce moment là il faisait très chaud dans cette partie touristique où on a croisé beaucoup de monde.
On s’est fait 3 causses en prenant la direction de Lodève. Petite pause dans un petit village très sympa : Meyrolles. On est passé à l’ouest de Lodève et on a décidé de ne pas dormir cette dernière nuit pour que que Yannick puisse attraper son train de retour le lendemain matin. On a fait juste une pause d’une heure dans le parc d’un village. Je m’endormais un peu sur le vélo vers 2h du matin. On a dû faire quelques pause de micro-sommeil avant d’arriver vers Bédarieux. On est passé dans un tunnel tout juste refait et éclairé en rose… ambiance boîte de nuit. On a croisé des sangliers… Vers 6h du matin on a atteint Béziers après 78 heures de voyage. Yannick devant remonter chez lui il a trouvé un TGV dans lequel il a trouvé une place. Il a démonté les roues du vélo pour le mettre dans son sac de transport.
Pour ma part direction les plages de la Méditerranée près de Béziers et retour l’après-midi à la gare pour moi aussi prendre un train direction Aix-en-Provence pour venir voir mes amis de Bike Café.
On a roulé sur ce Kegeti…
Pierre-Arnaud nous a proposé de faire un tour avec ce Kegeti au lendemain de sa visite. Direction le plateau des 4 Termes pour un galop d’essai sur cette machine curieuse par rapport à tous les vélos de gravel que nous essayons habituellement.
Dès les premiers tours de roue, j’ai été très surpris par le rendement du vélo, alors que nous roulions pourtant sur une route en bitume en léger faux-plat montant. Malgré sa monte de pneus en 50 mm, le vélo offre du rendement et la position haute sur les prolongateurs permet de rouler en mode confort, tout en gardant facilement une vitesse de 30 km/h.
Une fois arrivé sur la piste, moi qui roule toujours avec un guidon classique avec drop, je constate les bienfaits du cintre plat qui permet de manoeuvrer le vélo plus facilement. Même sur une pente à 10 % avec de nombreux cailloux, je me surprends à définir facilement ma trajectoire. Les pneus de 50 mm, montage tubeless et faible pression, apportent un “toucher” de piste très agréable. C’est clair que comparé au 40 mm d’un gravel “classique”, le confort est grandement amélioré.
Avec Pierre-Arnaud, nous enchaînons de petits singles dont certains en descente et le vélo se montre vif et précis dans sa trajectoire. Le Monster gravel efface en grande partie les nids-de-poule et autres irrégularités du chemin. Sur les longues lignes droites, il est assez facile de se mettre sur les prolongateurs, en toute sécurité. C’est ensuite un plaisir de redescendre la route bitumée nous ramenant à Ventabren car si le Kegeti filtre les vibrations sur la piste, sur la route, c’est un vrai tapis volant.
Même si la sortie a été courte (18 km et presque 300 m de D+), j’ai vraiment ressenti deux points forts sur ce vélo : le rendement et le confort. L’apport du flat bar est indéniable pour gagner en confort et précision de pilotage dans les descentes. Ce Kegeti V2.0 m’a mis l’eau à la bouche et appelle un essai sur une longue journée, préférentiellement sur terrain défoncé… à suivre !