Est-ce vraiment dans l’esprit Gravel ? On a le droit de se poser la question ..
Certains se moquent de Patrick, dès qu’il évoque le fameux “Esprit Gravel”. Consciencieux jusqu’au bout et amateur du “fact checking“, j’ai mené l’enquête … Sur Bike Café, dans la barre de recherche si vous entrez le mot “esprit”, pas moins de 14 pages sortent dans les résultats. Évidemment, je vous invite à lire cet article fondateur pour la rédaction. L’esprit est un concept important pour Bike Café. Pas toujours bien compris par les lecteurs, pas toujours bien utilisé non plus par la rédaction, “L’esprit gravel” devient une expression valise, que l’on vous sert parfois trop facilement (entre nous hein, ne le répétez pas à Patrick). C’est aussi une façon rapide de s’identifier à une communauté. Il y a #ceuxquisavent ce que sous-entend l’expression “Esprit Gravel“, et les autres.
Les tables tournent … les roues aussi
Entre nous toujours, je peux vous révéler que parfois Patrick ne fait pas qu’évoquer “l’Esprit Gravel”, il l’invoque. Les comités de rédaction peuvent ressembler à cela (Patrick est celui qui a un noeud papillon avec l’air grave(l) (on ne le refait pas).
« C’est pas dans l’esprit ! …»
C’est la phrase que l’Esprit m’a rétorqué, lorsque j’ai proposé un sujet sur Zwift ou Peloton en comité de rédaction. Puisque nous en sommes aux confidences :
- je soupçonne Patrick d’influencer l’Esprit (le corrompre ?)
- voici en quelque-sortes la réaction unanime des rédacteurs, une levée de boucliers :
Tel Obélix, j’ai foncé dans le tas, avec finesse, j’ai rappelé que Zwift et Peloton levaient des fonds plus vite que nous nos boucliers, qu’il me semblait important de faire preuve d’esprit d’ouverture, que l’esprit d’entreprise n’est pas mort et que les amateurs de home trainer du XXIème siècle méritaient un billet dans Bike Café, parce qu’après tout, ils pédalent eux aussi.
J’ai enfin compris la différence entre Zwift et Swiffer
À propos de levées de fonds, deux articles, parus coup sur coup, m’ont alerté. L’excellent magazine, outsideonline, a publié ce billet le 19 juin 2019 et le vénérable Bloomberg en a parlé ici avec une interview du CEO début mai 2019. Bon par contre, faut dire à la dame qui pédale derrière, que ça ne fait pas aller plus vite de dodeliner sur la selle, Mike Myers aurait osé…
… pas moi.
Si vous faites partie des lecteurs de Bike Café, on peut penser que vous êtes plus ou moins accroc à votre vélo. Vous appréciez votre vélo comme outil d’évasion, outil pour prendre l’air, pour découvrir votre région, voir le monde. Qu’il soit gravel, vtt, route ou fixie, vous aimez poser vos fesses sur votre spad pour sentir le vent dans les cheveux, l’air frais de la rosée dans vos narines, la douce chaleur d’un rayon de soleil sur votre peau au petit matin. Vous aimez aussi probablement la notion d’effort que ce mode de déplacement induit. Atteindre le sommet et son panorama n’est que magnifié par les tours de pédales consentis pour y parvenir.
Le vélo est aussi un formidable moyen de se couper du monde, de laisser derrière soi les tracas du quotidien pour se concentrer à 100% sur sa trajectoire, sa sortie, son itinéraire. Se concentrer sur soi également. Ses sensations, sa respiration, écouter son corps, ses jambes. Souvent, le mot vélo se conjugue aussi avec la bande de potes. Se retrouver, discuter, se tirer la bourre, s’attendre, se filer un coup de main, crever, galérer, cela fait également parti de l’expérience vélo.
À propos de potes, avez-vous déjà tenté d’en inviter un(e) pour une sortie rapide, un matin d’hiver, pour rouler 1h/1h30 avant d’aller au bureau ? N’avez-vous jamais reçu comme réponse « C’eut été avec plaisir, mais là, le froid, la nuit, je vais me faire un coup de Zwift » ?
Confidences toujours, à prime abord, je ne comprenais pas la réponse. Quand on me disait Zwift, dans ma tête j’imaginais :
Je me disais donc, « ha ok », voilà un homme moderne, qui fait sa part du boulot à la maison, il va s’occuper du parquet et du carrelage avant d’aller bosser. Je ne vais pas le blâmer, ni même faire le gros lourd avec une réponse du genre “Allez, viens, on s’en balek du parquet, tu t’en occuperas plus tard »…
Quand j’ai compris (18 mois après donc), la différence entre Zwift et Swiffer, j’ai trouvé cette réponse « rouler chez moi » plutôt triste. Triste parce que le vélo pour moi c’est me dépenser dehors avec mes potes. “dépenser dehors” pouvant être remplacé par “promener”, “découvrir”, “explorer”… les potes jamais bien loin, dehors toujours.
Les enfants sont une bonne solution de repli
Et oui, en bon père de famille égoïste, je me suis tourné vers mon fils, ado de 13 ans. Je lui ai offert un vélo plus que correct pour aller rouler, avec moi. Moi qui suis régulièrement et lâchement abandonné par mes potes qui s’entrainent sur Zwift. L’achat fut même une décision collégiale de couple. “Si on peut lui sortir le nez de sa PS4, ça ne lui fera pas de mal. »
Après quelques concessions mutuelles (“On ne part pas avant 9h00” étant la demande de mon fils. “On ne part pas après 9h30 alors …» fut ma concession) Nous voilà donc partis régulièrement sur les routes et les sous-bois d’Ile-de-France. Pour 50/75/100km en fonction de ses envies, sa forme. Kilomètres avalés à son rythme, avec souvent une pause chocolat chaud/croissants au milieu de la sortie. Nous passons de bons moments. Parfois, il ne veut pas venir, il a, me dit-il “Un rendez-vous avec ses copains pour jouer ». Évidemment, je suis fier et heureux de voir que mon fils a une vie sociale, il a des copains, dans ce cas je n’insiste pas. J’ai mis du temps à comprendre (18 mois à peu près) pourquoi quand je revenais de ma sortie vélo matinale, il était encore en caleçon, vautré devant sa PS4.
- Moi : “T’avais pas rendez-vous avec des potes ce matin pour jouer ?»
- Lui : “Si pourquoi ?»
- Moi : “Bah t’es en caleçon devant ta PS4, c’est déjà fini ?»
- Lui : “Bah, si je joue avec mes potes, la partie est en cours. »
- Moi :
Rouler indoor, est-ce rouler solo ?
Je vous épargne la question qui vous vient à l’esprit, bande de graveleux, en tout cas, sucer une roue n’a jamais signifié ni tromper, ni tricher. C’est même l’un des joli plaisir du cyclisme outdoor. N’ayant jamais essayé Zwift, ni Peloton je ne peux pas vous dire si rouler en peloton sur Zwift (vous suivez ?) permet de sauver des Watts. Par contre, comme la PS4, ces plateformes réunissent d’énormes communautés. Elles permettent de rouler virtuellement partout dans le monde, avec virtuellement n’importe quel partenaire. À en croire John Foley (CEO Peloton), ses abonnés inter-agissent sur la plateforme, il arrive aussi qu’ils se rencontrent dans la vraie vie “They act like sisters, they met on the plateform 2 years ago, and at Peloton we bring people together […] and that community element is something I did not anticipate ».
Rouler indoor est-ce pour mieux rouler ?
Il convient aussi d’admettre que le home-trainer, quel que soit la forme, Zwift ou Peloton, le bon vieux vélo d’appart ou même une expérience en salle du type Summit, relatée ici est une solution hyper pratique et efficace pour s’entraîner. Une séance d’une heure chez Summit (pour ce que je connais), est bien plus efficace qu’une sortie de 2 heures dehors sans coach. Comme le mentionne l’article d’outdoor online “Tim “Bacon” Searle, an amateur cyclist based in New South Wales, Australia, reached a considerable milestone : he became the first person to ride more than 100,000 kilometers (62,000 miles) using Zwift, the online cycling platform. That’s one and a half times around the earth, without ever leaving his home, since October 2015, when he was laid up after a bad crash. Searle now rides on Zwift so much—around 24 hours a week, often early in the morning »
24h/semaine, c’est environ 3,5h/jour. En cherchant bien, on a tous 2 ou 3 heures/jour pendant lesquelles on pourrait pédaler (au diable la poussière sous le canapé dans ce cas). Dans le cas d’une pratique outdoor, ces 3 heures par jour deviendraient 2,5 heures maximum effectives sur le vélo, 2 heures maximum d’entrainement utile.
Évolution de la société
La Play Station de mes 20 ans, était aussi sociale que le nombre de manettes de jeu que la console pouvait accueillir, on y jouait à 2 (parfois 4, mais chacun son tour). Aujourd’hui la PS4, casque vissé sur les oreilles, se joue en bande et en réseau. Chacun chez soi, chacun sa pizza.
Évidemment, à l’heure du tout, tout de suite, où je veux, comme je veux, aucune raison que le fitness ne soit pas impacté. D’ailleurs ces plateformes sont au fitness ce qu’est Netflix à la télé. Eric Min, le fondateur de Zwift, le dit très bien dans cet article :
“I want the same thing from fitness that I get from other services, whether it’s packages from Amazon, movies from Netflix, or music from Spotify. I want it available 24/7, conveniently delivered to my home. » Aussi comme le dit Eric Min dans cet article, le vélo est l’activité sportive qui se prête le mieux à une conversion digitale :
“I can’t think of another sport that has been so viably recreated in digital form. Wii tennis ? Nah. Virtual golf ? Meh. »
On pourrait penser que l’aviron par exemple s’y prête pas mal. Probablement ! Sauf que l’aviron se pratique sur un plan d’eau plat, sans dénivelé et c’est tout de même moins populaire que le vélo.
Le Home trainer, une solution parfaite ?
Non évidemment. Sauf à préférer respirer une odeur de pieds plutôt que celle de la terre humide à l’automne. Non, parce que le sens de la trajectoire, du terrain, le “toucher de route” ne s’acquiert que dans la vraie vie. Le vélo est silencieux et furtif. Quand un peloton passe devant une terrasse bondée, les discussions ne s’interrompent pas, couvertes par le bruit des rayons qui fendent l’air. Le Home trainer, le galet, qui tourne fait un bruit de machine à laver. Installez votre système au-dessus de la chambre de vos voisins, je parie qu’avant d’avoir parcouru 20 km virtuels, vous aurez un texto des voisins demandant de déplacer la machine à laver.
Enfin un autre point non négligeable, c’est l’aspect financier. Sous couvert de “c’est pas cher” quand on y regarde de plus près, ces services et abonnements coûtent une fortune. Le fameux hashtag sur instagram #oustideisfree deviendrait quoi avec Peloton ou Zwift #hometrainingisfuckingexpensive ?
À en croire ces articles proposés par Bloomberg et outside magazine (et ce billet dans une certaine mesure, toute modestie mise de côté) les réponses négatives à mes invitations de sorties hivernales et matinales risquent d’être encore plus fréquentes. Pour ma part, je n’ai pas encore franchi le pas de rester au chaud. J’ai adoré mon expérience chez Summit, pour l’efficacité de l’entraînement notamment, la présence du coach qui encourage, motive, pousse, aussi, mais je préfère encore être dehors, voir et sentir mon environnement, prendre l’air donc.
Par contre, avant d’écrire ce billet, je considérais ces solutions de home training avec un certain dédain, je vous propose d’en reparler dans 5 ans, le temps que je mette quelques $$ de côté.
Finalement, encore une fois ce qui est différent n’est pas forcément moins bien, ce n’est non plus pas forcément mieux, ces pratiques sont complémentaires. Dans le même esprit (j’étais obligé) ce n’est pas la peine de se précipiter aveuglément sur tout ce qui est nouveau, à l’inverse, refuser le changement et les évolutions risque de vous laisser sur la bas côté, on disait tout ceci ici aussi.
Pour conclure ce billet, si l’on considère que rouler sur home-trainer c’est rouler, alors je vais simplement remettre ici la conclusion du billet “Esprit es-tu là ?» dixit Laurent « Finalement c’est ça l’esprit gravel, chacun y met ce qu’il veut, c’est la liberté de rouler partout tout le temps. Je vous kiffe … »
Je vous laisse, mon fils à faim, je vais lui chercher une pizza sur mon vélo.
PS1 : l’interview de John Foley, à 4 min 26sec, ce qui se passe en arrière-plan est tout de même très gênant
PS2 : pour les bilingues, ou très bon en Anglais, vous pouvez écouter ce podcast, toujours sur Bloomberg “The Strange world of virtual bike races » – tout un programme- ; des points intéressants sont mentionnés à propos de Zwift ou Peloton, comme étant aux portes du marché du e-sport qui pèse des Milliards de $$, comme une façon de promouvoir le sport féminin, entre autres.
Il n’y a pas de PS3 et pour le PS4 demandez à mon fils …