Duravia est une marque de vélos créée par Charles Dupont à Lille en 1950. Les modèles présentés sur le catalogue de cette marque s’inscrivaient dans la lignée des constructions en alu ou en duralumin comme celles de Meca Dural, Barralumin, Caminargent, Gnome et Rhône, Aviac, … Le nom de cette marque Duravia est dérivé de DURal AVIAtion, car les cadres de ses vélos sont en alliage d’aluminium. Un de ses modèles était presque identique au Meca Dural de 1946 construit par Mercier.
À cette époque, les artisans et constructeurs de l’industrie du cycle, comme ceux de l’automobile, étaient très inspirés par les progrès réalisés dans le domaine de l’aviation. La quête au gain de poids passait par l’adoption des dérivés de l’aluminium. Par soudure ou par montage mécanique, ces entreprises se sont misent à construire des cadres et des accessoires légers : pédaliers, gardes-boues, jantes, …
Ces productions ont traversé le temps pour faire le bonheur des collecteurs, amoureux du design intemporel de ces oeuvres artisanales … Emmanuel est de ceux là. Âgé de 51 ans, il vit dans la région Ouest, où il restaure des vélos anciens, par passion et par amour de la mécanique. Il aime les configurer comme un enfant qui construit un Lego ! Il achète souvent des cadres laissés pour compte dans une remise ou des vélos qui ont subi au fil du temps des modernisations anachroniques, qu’il lui faut supprimer pour remettre le vélo dans la bonne époque.
Une belle rencontre
C’est grâce à Hugues Grenon que nous avons découvert le travail de cet « artiste » de la restauration. Emmanuel est un orfèvre, il pousse le soin jusqu’à refaire le pas de vis des visseries anciennes « Pas question que je monte du BTR ou des vis en inox sur ces vélos en dural …», dit-il … Il faut savoir qu’Emmanuel ne fait pas ce travail pour en tirer profit, mais uniquement par l’amour de ces objets que sont ces vélos anciens, dont la date de naissance va de 1940 à 1960. Il ne perd pas son temps à trainer sur les réseaux sociaux pour publier sur Facebook ou Instagram des photos de ses oeuvres. Son plaisir est d’être dans son atelier à démonter, comprendre, polir, restaurer, … redonner vie à ces vielles mécaniques. Son travail est intimiste et le résultat est réservé à un cercle d’amis ou de passionnés comme lui avec lesquels il échange des « trucs et astuces » pour remettre en état ces vieillards à deux roues.
Revenons à DURAVIA
C’est la dernière restauration d’Emmanuel, un demi-course DURAVIA qui m’a persuadé qu’il fallait partager plus largement le travail qu’il réalise dans son atelier. Ce vélo est sublime … J’ai déjà rencontré de nombreux collectionneurs, mais jamais quelqu’un comme lui qui s’acharne à redonner une âme au vélo qu’il restaure, allant même à le sublimer en le rendant plus beau qu’il ne l’était à l’origine, tout en gardant au maximum l’authenticité des éléments qui le constitue. C’est le cas de ce demi-course Luxe modèle 203, acheté sur Le Bon Coin.
Mais laissons Emmanuel nous parler de ce vélo …
J’ai toujours trouvé que les Duravia en duralumin des années 50 avaient des accessoires qui n’étaient pas à la hauteur de la qualité de leur super cadre, tout en duralumin, sauf la fourche.
En effet, les quelques centaines de grammes gagnés grâce au cadre, se trouvent vite perdus à cause d’accessoires en acier (cintre, étriers de freins, jantes, moyeux, supports de porte-bagages, tube de selle, chariot de selle, sonnette, pédalier, pédales…). Mon idée a donc été, pendant la restauration, de remplacer ces pièces populaires par des options d’époque, plus légères et élégantes.
Exit donc le dérailleur cyclo, remplacé par un Simplex Grand Prix en dural 4 vitesses, ajout d’un dérailleur avant Le Cyclo, double plateaux Rosa sur manivelles Stronglight, avec des pédales Lyotard en duralumin. Cintre et potence en duralumin, leviers de frein Mafac (avec demi-cocottes neuves d’époque !), sonnette en alu, étriers IAM demi ballon en duralumin, tige de selle en alu.
Seul le chariot de selle est en acier (je réserve mes selles avec chariot en dural pour les prochaines restaurations mais c’est évolutif).
Détails et fantaisies
Lors du polissage, il fallait faire un choix. Supprimer l’anodisation dorée des jointures de cadre ou bien la garder. J’ai opté pour sa suppression, car ce qui en restait n’était pas uniforme. Celle ci reste par contre présente sur le levier de dérailleur Simplex (qui était courbé d’origine sur ce modèle). J’ai installé ensuite, à différents endroits de la visserie en laiton pour rappeler l’anodisation or spécifique aux modèles Duravia.
Autre fantaisie, je me suis permis d’installer des sacoches en aluminium rivetées (en rappel du fameux slogan de chez Duravia : métal aviation). J’ai par contre remplacé les supports de porte-bagages PRYM (oxydés et en acier) par des tringles en aluminium de 4 mm (gain de poids non négligeable). La demi pompe en aluminium participe elle aussi au gain de poids. Normalement c’est une pompe plus longue qui s’installe entre la jointure des tubes de base et un support d’origine et riveté qui est situé à mi hauteur du tube de selle. Hélas avec l’ajout du dérailleur avant il n’était plus possible d’installer une pompe aussi longue. J’ai donc usiné un bague qui s’installe sur le collier de dérailleur avant et qui permet de maintenir (avec un petit pic) le bas de la demi pompe. Gain de poids et esthétique maintenu !
Le drapeau n’est pas une fantaisie, il est bel et bien d’origine sur tous les modèles Duravia en duralumin. J’ai refait le support de drapeau mais en aluminium de 5 mm (gain de poids et esthétique toujours au programme). Comme vous pouvez le voir je n’ai pas pu faire de miracle sur la restauration du drapeau.
Léger anachronisme sur les jantes Super Champion et moyeux Normandy, qui sont d’une décénnie plus récentes, il aurait fallut des moyeux Normandy 1ère génération pour être parfait ( je les gardes pour mes prochains projets). Idem pour le porte bidon TA, qui date des années 60 (mais qui sera changé à la 1ère opportunité).
Accessoires dont je suis fier
Les demi cocottes Mafac neuves, trouvées par hasard à Avranches, chez un vélociste qui partait en retraite. Autre belle trouvaille, faite par hasard lors d’une balade au Mont Saint-Michel : le magnifique double plateaux Rosa en dural qui date de 1948 (Croquis de Daniel Rebour à l’appui sur une page du magazine Le Cycle !)
VADE RETRO DYNAMO ! … Pas de dynamo sur ce vélo. Cela m’est insupportable d’ajouter 400 g et une patte de fixation sur mes beaux haubans arrières en duralumin !
Astuces de restauration
La fourche d’origine était fortement abimée et avait été repeinte grossièrement. Exit donc depuis longtemps la belle fourche chromée d’origine.
Quelles sont les solutions ?
1 – Polir une nouvelle fourche et la vernir (le vernis tient hélas mal et le rendu est légèrement gris anthracite).
2 – Polir une fourche et la faire rechromée (c’est cher, c’est long et ce n’est pas possible pendant le confinement !).
3 – La peinture chromée : ça ne tient pas ! et surtout le rendu chrome n’est pas au rendez vous (4 bombes essayées, 4 déceptions).
4 – Mettre une fourche chromée moderne, comme on en trouve beaucoup sur les vélos des années 90-2000 ? Mauvaise idée ça serait sacrilège !
5 – J’ai donc trouvé une fourche qui était sur un Peugeot femme des années 70. Vous savez les fourches chromées jusqu’à mi hauteur des modèles « haut de gamme ». On en trouve souvent avec des peintures rouillées et bien ces fourches ne sont pas à moitié chromée mais à moitié peinte ! il suffit donc avec de la paille de fer de faire sauter la peinture (oui je confirme il faut frotter longtemps) pour récupérer une fourche « classique » avec un vrai chromage d’origine (comme sur ce vélo).
Les autres DUVARIA d’Emmanuel
Sans que ce soit une thématique absolue dans sa collection, Emmanuel possède 2 autres modèles DURAVIA qu’il a restauré avec le même soin que ce demi-course. Il nous les présente.
Le modèle Dame n°201
Je possède un Duravia femme que l’on retrouve sur le dépliant : modèle Dame Touriste Luxe n°201.
J’ai trouvé ce modèle dans ma région il y a plusieurs années, et il s’agissait de mon premier vélo en duralumin. Il était à 90% complet et d’origine. Selle et drapeau était manquants. Les pneus étaient des modèles récents. L’état général était correct pour un vélo de cet âge à part quelques rayures et marques sur l’alu, les gardes-boues et porte baggages étaient abimés …
Le guidon et la fourche avaient été repeints en gris clair par dessus le chrome. J’ai donc patiemment enlevé cette peinture avec de la paille de fer et une lame de cutter pour récupérer les quelques grammes de chromes d’origine restant ! Non seulement je gardais ainsi des pièces d’origine, mais je maintenais une patine cohérente que je n’aurais pas obtenue en mettant une fourche et un guidon flambant neuf.
Démontage, remontage, restauration nettoyage systématique des pièces avant remontage, ajout de deux pneus rouges d’époque et quelques semaines après le vélo était prêt à participer au grand pèlerinage annuel d’Anjou Vélo Vintage.
Très sympa sur ce modèle : les parties du cadre qui ont gardé leur fragile anodisation or d’origine. Le garde chaîne rond de marque « NAP », le porte-bagages PRYM également anodisé or, les leviers de freins inversés, les sacoches en carton.
Le modèle homme n°202
Mon autre Duravia est un modèle homme, sur le dépliant il s’agit du modèle Cyclotouriste homme n° 202, mais équipé d’un guidon dame.
Ma femme ayant son Duravia femme, il me fallait maintenant en trouver un pour moi. J’ai trouvé ce modèle 1 an plus tard, à Gap dans les Alpes. Il était dans un très beau jus d’origine, avec quelques pièces manquantes comme le garde chaîne.
La ligne directrice pour la restauration de ce modèle a été la même que celle du modèle dame. Après un démontage total, j’ai fait en sorte de restaurer au mieux toutes les pièces d’origine puis compléter ou remplacer celles qui étaient manquantes ou anachroniques. Bien entendu, les accessoires ajoutés sont tous d’époque et je n’ai utilisé aucune reproduction. J’ai également pris le soin de garder une patine équilibrée et cohérente.
Très sympa sur ce modèle : la sonnette commandée au guidon de marque EM. Les gardes-boues Lefol le Paon. Les plaques constructeurs en parfait état. Le feu arrière JOS anodisé or.
Normalement les modèles Duravia étaient livrés avec un fanion en tissu de la marque remplacés sur mes modèles par des fanions anciens de Lourdes et Lisieux.
Merci à Emmanuel pour ce témoignage et ces restaurations de grandes qualité qui nous permettent de porter un regard sur la marque Duravia. Cette marque existe encore : elle a été réutilisée par un constructeur belge. Plus rien à voir avec DURal et AVIAtion car les cadres sont en carbone. Il faut vivre avec son temps car il est vrai qu’aujourd’hui en aviation on utilise beaucoup cette fibre.
Nous aurons l’occasion de reparler du travail d’Emmanuel dans de prochains articles concernant d’autres vélos de la même époque qu’il a restauré toujours dans cet esprit de respect pour l’objet et pour l’époque.
Wouaaaaa quelles merveilles 🙂
Magnifique article qui montre qu’avec (beaucoup de) courage et passion on peut atteindre des sommets ! Bravo à Emmanuel. On a hâte de découvrir les autres trésors que renferme ce musée 😉
Garde-chaine NAP, j’ai le même dans ma cuisine sans le trou au milieu, un couvercle de casserole multi-taille.
Niveau concours d’élégance mon vote va au vélo féminin, à part se détail de garde-chaine plein qui ne va pas avec le reste du vélo qui est “aéré” .
Est il possible d’ajouter une photo vue de l’autre côté du pédalier du modèle féminin pour voir les détails de l’assemblage des tubes avec les bases en dessous du boitier.
Très beaux vélos, j’ai pour ma part un modèle femme Duravia dont je vais commencer la restauration. Je ne serai pas contre d’avoir les coordonnées d’Emmanuel pour avoir ces précieux conseils de passionné. Je posterai sûrement des photos sur notre site pour ceux que ça intéressent. Vos messages sont les bienvenus.
rouleurs.eu
Merci pour ce très bel article en tout cas.
Magnifiques vélos, excellent travail de remise en état, bravo !